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Mineurs non accompagnés : l’Etat saura-t-il répondre à l’urgence ?

Publié le 6-10-2017

Source : www.rfi.fr

Auteur : Olivier Favier

« Début 2016, un rapport d’Europol dénonçait la disparition de 10 000 mineurs isolés en Europe. Combien sont-ils aujourd’hui à demeurer sans contrôle ? Depuis deux ans en effet, les arrivées se sont multipliées sans qu’en France, les départements qui ont la responsabilité de les accueillir se soient dotés des moyens nécessaires à leur prise en charge. 95 % sont des garçons et plus des deux tiers viennent d’Afrique. Nombre d’entre eux voient leur minorité contestée et ceux qui sont reconnus n’ont pas toujours accès à une formation. L’Etat a promis à la mi-septembre une aide financière aux départements et annonce un plan d’action pour 2018.

Ils étaient dix-mille fin 2012. Ils seront vingt-cinq mille en décembre selon les dernières estimations. Le nombre de mineurs non accompagnés récemment arrivés sur le sol français a ainsi été multiplié par deux fois et demi en cinq ans. Encore faut-il s’en tenir à ceux qui sont mis à l’abri en attente de leur évaluation et à ceux qui parmi eux seront pris en charge jusqu’à leur majorité.

Selon la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, inscrite dans le droit européen depuis 1996, la protection due aux mineurs est inconditionnelle. Pour l’instant, ils sont sous la responsabilité des départements, qui gèrent les services de l’Aide sociale à l’enfance. Cette gestion locale est évidemment problématique pour des adolescents venus trouver refuge en France, sans avoir d’attache définie sur une partie ou une autre de son territoire. Chaque département peut ainsi estimer à bon droit qu’au-delà d’un quota minimum, les nouveaux venus doivent tenter leur chance ailleurs. Dès lors, quand les moyens commencent à manquer, nombre de candidats sont remis à la rue au moindre doute. Certains n’ont pas de papiers ou se sont procuré des faux grossiers par incapacité à faire venir les originaux du pays. Mais les vrais documents sont eux aussi mis en doute.

Il arrive enfin que des jeunes soient rejetés dès l’entrée des centres d’évaluation, simplement parce qu’ils font plus que leur âge. Ils ressortent alors sans notification de refus et ne peuvent donc faire aucun recours. La responsable de l’antenne des mineurs d’Utopia 56, association qui collabore avec plusieurs institutions dont la mairie de Paris, va plus loin : « Ce n’est plus la minorité qui est remise en question, mais bien d’autres choses. On ne garde que les plus jeunes des plus jeunes ».

80 % de refus à Paris

Au DEMIE, le Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers à Paris, le taux de refus était en 2016 de 80%, à tel point que certains jeunes renoncent désormais à s’y présenter. Il faut dire que les bureaux auraient dû examiner trois-mille dossiers en lieu et place des mille-trois-cents prévus à l’ouverture. La Croix-Rouge, qui gère ce service par délégation de service public, n’est pourtant pas décisionnaire. Il appartient à un fonctionnaire du département de statuer sur les dossiers qui lui sont transmis en l’absence de l’intéressé(e).

En cas de refus, des recours existent, mais ils peuvent durer plus d’un an, période durant laquelle les mineurs doivent compter sur des citoyens prêts à les héberger. Mais les volontaires ne parviennent plus aujourd’hui à couvrir les besoins qui ne sont pas pris en charge par les services publics. Porte de la Chapelle, aux environs du centre d’accueil de jour qui leur est destiné, les jeunes sont nombreux à vivre dans la rue. Agathe Nadimi, engagée auprès d’eux depuis plusieurs années, est aujourd’hui désespérée : « Au dernier déjeuner que nous avons organisé dans les jardins de Belleville, ils étaient deux-cents et une moitié n’avaient pas d’hébergement. Je n’ai plus rien à leur proposer ».

Les lundis soir et les samedis matin, des jeunes attendent par dizaines un rendez-vous avec un permanencier de l’Adjie, qui assure l’Accompagnement et la défense des jeunes isolés étrangers. Ceux qui dorment dehors se reconnaissent sans peine : le front baissé et la gorge nouée, ils n’ont souvent plus la force d’expliquer leur situation.

Devant une telle urgence, l’Etat a promis un remboursement des frais à la charge des départements à hauteur de 6,5 millions d’euros, soit 30% des dépenses engagées. Ce premier pas devrait inciter les autorités locales à s’engager davantage. Mathieu, éducateur pour l’Aide sociale à l’enfance en région, prévient pourtant : « Mettre à l’abri c’est bien, mais il faut un projet de société ». Ce dernier passe prioritairement par l’école. Cependant, les autorisations de travail pour les mineurs que requièrent les formations en alternance sont délivrées au compte-goutte en préfecture. Plusieurs rectorats ne scolarisent plus les adolescents reconnus après l’âge de seize ans.

Mette à l’abri ne suffit pas

La qualité de la prise en charge et du dispositif de sortie de l’Aide sociale à l’enfance sont aussi dans les priorités des concertations engagées par les ministères de la Justice et de la Santé pour l’année prochaine. Intégrés au dispositif parfois à quelques mois de leur majorité, bien des jeunes n’ont en effet pas le temps de valider leur diplôme avant leurs dix-huit ans.

Il n’empêche que pour certains départements, la baisse des contrats jeunes majeurs, permettant de poursuivre un processus de formation quand l’élève est sérieux jusqu’à l’âge maximum de 21 ans, a été la première réponse au surcoût engendré. « Si l’on veut qu’il n’y ait plus de jeunes adultes qui se fassent passer pour plus jeunes qu’ils ne sont, poursuit Mathieu, il faut un dispositif autre que la demande d’asile pour les majeurs. Au fond, celui ou celle qui a dix-huit ans révolus a souvent besoin des mêmes formations qu’un mineur pour pouvoir s’insérer dans le marché de l’emploi. » Dans la Marne, au début de l’année 2017, plusieurs jeunes ont reçu avec leur contrat d’apprentissage une obligation de quitter le territoire français dans le mois qui a suivi leurs 18 ans. Ces cas ne sont malheureusement pas isolés. »

Voir en ligne : http://www.rfi.fr/hebdo/20171006-mi...