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Mineurs isolés : quand le conseil départemental du Val d’Oise ignore la justice

Publié le 9-10-2017

Source : www.leparisien.fr

Auteur : Frédéric Naizot

« Malgré la décision des juges des enfants, le département refuse de les prendre en charge. Une trentaine de cas ont été dénombrés.

Bras de fer entre le tribunal de Pontoise et le conseil départemental. Celui-ci refuse de prendre en charge les mineurs isolés malgré les décisions des juges des enfants. Une trentaine de cas ont été dénombrés.

L’adolescent pakistanais patiente depuis des heures sur un banc du palais de justice de Pontoise. Muhammad ne parle pas français mais comprend que l’on s’active autour de lui. Au fil des heures, il sent aussi qu’il n’y aura pas de réponse. Le soir tombe. Le tribunal ferme ses grilles. Il est remis dehors. Personne n’est venu le chercher.

La scène remonte au mois de juin dernier. Cet adolescent bénéficiait pourtant d’une décision de justice en sa faveur. Le juge des enfants avait ordonné qu’il soit confié provisoirement à l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance, gérée par le département) « en raison du danger pour sa sécurité », ordonnant également une expertise osseuse pour vérifier s’il était bien âgé de 15 ans. Mais jamais l’ASE, qui a estimé au départ qu’il était majeur, ne se pliera à la décision du juge en date du 20 juin.

« Muhammad a pu être placé un temps à la mosquée de Villiers-le-Bel. C’est la seule structure qui acceptait de le prendre en charge », confie Me Marion Ménage, l’avocate de l’adolescent. « Cela a fonctionné jusqu’à la fin du Ramadan. Il m’a appelé pour me dire que depuis la mosquée fermait la nuit. Il est tout seul. Dans la rue. Il se débrouille. » Il a trouvé refuge « chez un ami », confie-t-il au téléphone. « Refuser d’appliquer l’ordonnance d’un juge me paraît hallucinant », poursuit l’avocate qui a eu à gérer un cas similaire en mai. « Dans mes dossiers, le conseil départemental refuse de prendre en charge tout en ne faisant pas appel de la décision du juge, en faisant l’autruche. Que fait-on face à la détresse ? C’est un parti pris de laisser un jeune de 15 ans à la rue. À ces jeunes, on doit expliquer qu’il faut respecter la loi alors qu’une institution ne le fait pas ? »

« Cela pose de grandes difficultés à la juridiction », souligne la présidente du TGI de Pontoise, Gwenola Joly-Coz, qui explique être confrontée « à une position de principe, systématique », du conseil départemental et évalue le nombre de cas de refus pur et simple de la décision judiciaire « à une trentaine ». Pourtant, pour elle, « le rôle du conseil départemental est d’appliquer la loi. »

« Le juge des enfants n’est pas une chambre d’enregistrement. Si le mineur vient devant nous, devant la justice, c’est pour contester l’évaluation de son âge, dans le cadre d’une voie de recours. Il est normal que le juge des enfants évalue la situation. Le conseil départemental a du mal à l’accepter. » La présidente souligne par ailleurs qu’un juge des enfants est référent à Pontoise pour les mineurs isolés et connaît parfaitement le sujet, la problématique des passeurs, des filières. « Le juge fonde sa décision sur l’évaluation de la Croix rouge, mais aussi par les papiers d’identité, le récit de leur histoire, sa crédibilité. Le juge a un être humain en face de lui. »

Le président Bazin assume le bras de fer

Le département reconnaît refuser sciemment d’exécuter les décisions de justice qu’il conteste et assume. « Le Tribunal déclare quasi systématiquement la minorité des jeunes », estime le département. « On se demande à quoi servent les évaluations », prolonge son président, Arnaud Bazin. Si la décision du magistrat n’est pas conforme à l’évaluation réalisée avec le concours de la Croix-Rouge, le département refuse ainsi d’appliquer la décision de justice.
Autre cas de figure : le placement de mineurs isolés ou non, qualifiés de « délinquants ». « L’accueil de ces jeunes dans les établissements habilités, pose des difficultés en matière de sécurité et de protection vis-à-vis des autres enfants accueillis au titre de la protection de l’enfance. » Ce serait à la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) de gérer. Ce refus est jugé « nécessaire pour éviter de déstabiliser davantage un dispositif de protection de l’enfance d’ores et déjà largement fragilisé. »
Le département évoque ainsi « une ligne ferme », adopté par d’autres départements. Il indique aussi que le budget consacré aux mineurs isolés explose : 30 millions € en 2017 contre 8 M€ en 2013. « Du 1er janvier 2017 au 1er octobre 2017, 1400 jeunes se sont présentés au service de l’ASE. Ils étaient 700 pour tout en 2016. Cela a déjà doublé. » En dehors des deux cas cités, « tous les mineurs sont pris en charge ».
Le département assure enfin faire appel des décisions des juges qu’il conteste. Avec succès pour deux procédures, affirme-t-il, évoquant une trentaine de dossiers en cours
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Voir en ligne : http://www.leparisien.fr/val-d-oise...