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Elle ne supportait pas de voir des mineurs étrangers dormir dans la rue

Publié le 13-10-2017

Source : www.francebleu.fr

Auteur : Isabelle Rivière

« A Poitiers, une centaine de familles ont décidé de venir en aide aux migrants mineurs qui se retrouvent à la rue. Ces particuliers recueillent chez eux des ados dont la minorité n’a pas été reconnue. Qui n’ont pas d’existence légale mais sont réels pourtant.

A Poitiers, il suffit de se balader près de la gare pour les remarquer : des petits groupes de jeunes migrants désœuvrés. Ces ados de 14 à 18 ans se retrouvent là parce-qu’en attendant d’être fixés sur leur sort, ils sont logés dans les hôtels sociaux du quartier de la gare.

Qui sont ces jeunes migrants du quartier de la gare à Poitiers ?

D’autres jeunes, eux, sont déjà fixés sur leur sort. N’ayant pu prouver leur minorité aux autorités locales, ils se retrouvent à la rue.

Fortement émus par leur sort, des Poitevins ont décidé de leur venir en aide. En octobre 2016, ils fondent l’association Min’de rien 86. D’abord pour trouver des occupations ludiques à ces jeunes gens en déshérence. Puis, pour leur trouver un toit.

"Je comprends que ce puisse être intimidant pour les Poitevins de traverser des groupes de jeunes comme ça. Mais il suffit de leur parler pour comprendre que ce sont des jeunes pleins d’espoirs qui aimeraient aller à l’école, ou travailler. Qui ont parfois vécu des drames pendant leur voyage vers l’Europe." raconte Martine Brouillette, co-fondatrice de Min’de rien 86.

Mine de rien, des poitevins bénévoles leur ouvre leurs maisons

Depuis la création de l’association, 120 familles bénévoles se sont proposées pour héberger les jeunes migrants sans solution d’avenir. L’association prend en charge tous les frais de recours ou de recherche de papiers d’identité.

"On les aides dans leurs démarches administratives. on les accompagne à l’ambassade de leur pays à paris. On essaie de contacter les services états-civils de leur pays d’origine pour qu’ils renvoient les papiers originaux, explique la bénévole.

Un concert de soutien pour récolter des fonds

Et puis, il y a ceux qui ouvrent leur maison. ceux qui offrent le gîte et le couvert à ces ados et qui essaient de leur rendre le sourire. Actuellement, les familles bénévoles de Min’de rien 86 hébregent une soixantaine de mineurs migrants sans solution. Pour les soutenir, l’association organise un concert de soutien ce vendredi 13 octobre 2017 au bar le plan B de Poitiers. Elle récolte également des dons via la plateforme Hello Asso.

Martine héberge 2 migrants mineurs dans son appartement du Plateau

Martine Brouillette prépare une thèse au laboratoire Migrinter de l’Université de Poitiers. C’est tout naturellement qu’elle s’est intéressé à cette réalité devenue visible : des mineurs d’origine sub-saharienne qui se retrouvent seuls dans la rue à Poitiers parce qu’ils n’ont pas réussi à prouver leur minorité.

"Je ne pouvais pas supporter l’idée que des gamins dorment dehors", explique-t-elle.

Alors avec ses colocataires, cette québécoise, poitevine d’adoption a recueilli 3 jeunes gens au début. Puis le réseau s’est mis en place. D’autres poitevins ont eu envie de jouer les "colibris" ( du mouvement fondé par le philosophe Pierre Rabhi, NDLR) , et de faire ce qu’ils pouvaient à leur niveau.

Portraits de migrants mineurs

Mohamed et Losseny ont 16 et 17 ans. Ils viennent tous les deux de Côte d’Ivoire. Un peu timides, il racontent leur voyage vers la France, les dangers et les épreuves traversés, les passeurs, la Lybie. L’un qui se retrouve par hasard en gare de Poitiers, l’autre conseillé pour venir ici, parce que "ce n’est pas loin de Paris en train". Ils racontent leur émotion.

"Je remercie Dieu et je remercie ceux qui m’accueillent ici, dans leur maison. Comme si j’étais leur propre enfant", répète Lossény

Mohamed repense à son ami Madini, mort pendant le trajet.

"Si on avait su qu’il y avait tant de dangers, on ne serait jamais partis de chez nous", explique-t-il, ému.

Tous deux n’ont pas pu prouver leur minorité. Sans l’aide des Poitevins de Min’de rien 86, ils se retrouveraient à la rue. Aujourd’hui, ils rêvent de pouvoir aller à l’école. D’apprendre un métier. De devenir footballeur professionnel, pourquoi pas. Ils rêvent d’une vie meilleure. Mais sans papiers, ils sont condamnés à rester inactifs. Beaucoup passent leur journée à s’ennuyer devant la gare de Poitiers où l’accès au Wifi est gratuit.

Des passeurs qui font du business sur le dos des mineurs étrangers

Il faut comprendre que ces enfants arrivent en France par des réseaux de passeurs. Certains ont perdu leurs papiers, d’autres se les ont faits voler. Et puis, il y a les erreurs d’écriture sur les documents officiels.

Normalement, explique Martine Broussette, l’aide sociale à l’enfance qui est gérée par les Départements ne devraient même pas s’occuper du pays d’origine de ces enfants, ni même de prouver leur minorité. A partir du moment où ils sont mineurs, l’ASE devrait les prendre en charge. Le problème, c’est que le nombre de ces mineurs étrangers non accompagnés a explosé ces dernières années. Sans moyens, les départements durcissent leurs critères de prise en charge. Ils demandent à vérifier la minorité des enfants qui subissent pour cela des entretiens poussés mais aussi des tests osseux. Non seulement ces tests ont une marge de plus ou moins 22 mois, ce qui pour les ados de 17 ans, peut être problématique, souligne la co-fondatrice de Min’de Rien 86. Mais ces démarches peuvent prendre du temps, plusieurs mois pendant lesquels il faut loger les jeunes gens.

Les départements, débordés, tirent la sonnette d’alarme

"A l’heure qu’il est l’Etat ne prend en charge que l’évaluation de minorité" explique Gilbert Favreau, le président du département des Deux-sèvres. Auditionné devant l’Assemblée Nationale le jeudi 12 octobre 2017, le président des Deux-sèvres, s’est fait le porte-parole des tous les Départements de France.

"L’Etat ne nous donne que 250 euros par jour et par mineur non accompagnés et ce , pour 5 jours maximum. Or l’évaluation de minorité est parfois complexe. Tant qu’ils sont présumés mineurs, les jeunes migrants sont à la charge de l’Aide sociale à l’enfance. Et ça, les passeurs clandestins l’ont bien compris", raconte Gilbert Favreau.

1250 euros par semaine et par mineur étranger non accompagné, c’est loin d’être suffisant pour assumer la prise en charge de ces jeunes. En France, la plupart des Départements tirent la sonnette d’alarme.

"La politique migratoire est une compétence de l’Etat. Or avec ces vagues de migrants mineurs, on est dans le même cas que les filières clandestines de Calais", ajoute l’élu

"Ce que nous demandons à l’Etat, c’est de prendre en charge le mineur étranger non accompagné depuis son arrivée jusqu’à son évaluation. Puis de dispatcher les enfants dans les différents départements de France s’ils sont effectivement mineurs, de manière à ce qu’ils soient pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance", insiste Gilbert Favreau.

En 2 ans le nombre de mineur migrants a explosé

En attendant, les départements de France alignent les chiffres.

Dans la Vienne, on est passé de 115 migrants mineurs en 2015 à 303 au 1er octobre 2017. Le coût de la prise en charge est passant de 2,7 millions à 6,2 millions d’euros cette année. Le président de la Vienne tirera lui aussi la sonnette d’alarme sur le sujet devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg la semaine prochaine.

Dans une motion adoptée en séance budgétaire le 21 septembre dernier, le conseil départemental de la Vienne "DEMANDE avec insistance une refonte complète des dispositifs d’accueil des Mineurs Non Accompagnés comme le Président de la République s’y est engagé, en affirmant que l’accueil des jeunes migrants est de l’entière responsabilité de l’Etat et doit être distingué de l’Aide Sociale à l’Enfance, compétence des Départements".

Cette motion, dont vous découvrez un extrait ci-dessus, sera présentée les 19 et 20 octobre prochains au Congrès de l’ADF, Association des départements de France à Marseille. »

Voir en ligne : https://www.francebleu.fr/infos/soc...