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Frontière franco-italienne : « Nous doutons que les droits des migrants mineurs soient désormais respectés »

Publié le 12-03-2018

Source : www.liberation.fr

Auteur : Geoffroy Gaye

« Un collectif composé d’associations et d’avocats français et italiens s’est rendu à la frontière franco-italienne de Menton pour observer et dénoncer le refoulement illégal des étrangers souhaitant pénétrer en France. Ils ont obtenu gain de cause devant le tribunal administratif.

Le 2 mars, douze mineurs dont les refus d’entrée sur le territoire ont été annulés par le tribunal administratif de Nice, sont revenus sur le sol français. Selon nos sources, mais sans que cela ne soit confirmé par les intéressés, ils ont été pris en charge par l’association Pasteur Association Avenir Jeunesse (Paje), missionnée par le département afin de protéger les mineurs. « Désormais, ils dorment à l’hôtel ! » dit fièrement l’avocate niçoise spécialisée dans le droit d’asile Mireille Damiano. « La police nous a assuré que désormais, les droits des migrants mineurs seraient respectés, qu’ils avaient de nouvelles instructions. Nous en doutons. Mais ça reste à voir », s’inquiète cette membre de l’association de défense des étrangers.

« J’ai vu des choses que jamais je n’aurais pensé voir un jour en France », s’exclame Nolwenn Paquet. L’avocate, spécialisée dans le droit d’asile à Lyon, fait référence au week-end des 17 et 18 février qu’elle a passé à la frontière franco-italienne. Avec quatorze avocats venus de toute la France, ainsi que six avocats italiens, ils s’étaient réunis à Menton (Alpes-Maritimes), à l’invitation de 23 associations de défense des migrants, dont Amnesty International, la Cimade, Médecins sans frontières ou Médecins du monde. « Nous avons lancé cette initiative car nous sommes persuadés que les règles ne s’appliquent pas depuis des mois à la frontière », explique Mireille Damiano à Libération.

Le collectif s’est rendu à la gare de Menton-Garavan : « On a vu un train provenant de Vintimille s’arrêter. Là, les policiers sont entrés et ont sorti toutes les personnes à la peau noire. Un vrai délit de faciès ! » affirme l’avocate lyonnaise Nolwenn Paquet. Elle raconte que les migrants « qui viennent pour la plupart d’Erythrée, du Tchad ou du Darfour » sont ensuite transportés par fourgon au poste-frontière français de Saint-Louis, à Menton. Cinq minutes plus tard, la police a remis aux migrants des documents de refus d’entrée sur le territoire, « préremplis, avec seulement le nom et le pays d’origine des personnes », accuse l’association, exemple ci-dessous à l’appui.

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Les mineurs livrés à eux-mêmes

Revenons aux mineurs. « Très souvent, la police refuse de les prendre en charge. Du poste de police, ils sont ramenés à la gare et sont mis dans le train en sens inverse, en direction de Vintimille », indique Mireille Damiano. « Nous nous sommes rendus à la gare, sur place, aucune assistance n’était mise en place. La plupart d’entre eux, âgés de plus de 14 ans, repartent en direction de Menton. Puis après d’autres échecs, ils dorment sous les ponts de Vintimille », ajoute Nolwenn Paquet. Contacté à ce sujet, le préfet Georges-François Leclerc n’a pas souhaité répondre.

Sur ces bases, le collectif a lancé une procédure de référé-liberté le 18 février, au tribunal administratif de Nice, afin de suspendre la décision refusant l’entrée sur le territoire français de 20 personnes mineures. Juridiquement, il dénonce des atteintes graves et illégales à des libertés fondamentales : « La loi prévoit qu’un étranger mineur et non accompagné d’un représentant légal arrivant sur le territoire ne peut être rapatrié avant l’expiration du délai d’un jour franc. Et que par ailleurs, lorsqu’il est refusé à un mineur de pénétrer sur le territoire, le procureur de la République, avisé immédiatement par l’autorité administrative, doit lui désigner sans délai un administrateur ad hoc [1]. Ce qui n’a pas été le cas pour les demandeurs. »

Le préfet s’était rendu lui-même à la barre lors de l’audience du 21 février. Il a soutenu qu’il n’était pas établi que les personnes étaient mineures, ni qu’elles souhaitaient faire une demande d’asile. Il avait également déclaré que ces mineurs n’avaient pas le droit à une assistance particulière sur un point de frontière comme la gare de Menton-Garavan.

Le 23 février, le tribunal a donné raison au collectif pour 19 mineurs. L’un des référés n’a pas été accepté par le tribunal car la personne était en fait majeure. L’Etat a été condamné à verser 1 000 euros par personne concernée, soit 19 000 euros, au titre des remboursements des frais d’avocats et de l’aide juridictionnelle. Contre toute attente et au grand regret du collectif, qui souhaitait « débattre de ce sujet devant le conseil d’Etat », la préfecture n’a pas fait appel. »

Voir en ligne : http://www.liberation.fr/france/201...