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La cour de cassation se penche sur les tests osseux pour les jeunes migrants

Publié le 18-12-2018

Source : France Inter

Auteurs : Sara Ghibaudo et Danielle Messager

Extraits :

«  Un avocat de l’Ain a déposé pour un jeune homme un recours portant sur la constitutionnalité des examens osseux. Ces tests radiologiques, très décriés parmi les associations, sont encore utilisés pour aider à déterminer l’âge des jeunes migrants et décider si l’État doit leur accorder la protection due aux enfants.

Sanogo sort du tribunal pour enfants de Bobigny. Le jeune homme est arrivé en octobre de Côte d’Ivoire, seul. Il affirme qu’il a 16 ans, il a pu fournir un extrait d’acte de naissance, mais, comme souvent, il n’y a pas de photo sur le document, et la Croix-Rouge, chargée en Seine-Saint-Denis d’évaluer l’âge des mineurs non accompagnés par des entretiens, ne l’a pas cru : "Ils m’ont dit non, ils ne veulent rien savoir, [ils disent] que, quand ils me regardent, moi je ne ressemble pas à un mineur ".

Sanogo est donc passé hier devant un juge des enfants, qui a accepté d’ordonner un placement pour le mettre à l’abri dans l’attente de statuer sur son cas, et qui lui a proposé, dans le doute, "un test des os" raconte-t-il (...).

De l’Académie de médecine au Défenseur des droits, en passant par les associations d’aide aux migrants, ces tests sont très contestés depuis plus de dix ans. En réalité, il s’agit d’un examen médico-légal qui comprend un examen clinique, un examen dentaire, et un examen radiologique : une radio de la main et du poignet gauche, là où il y a la présence de cartilage de croissance, que l’on compare ensuite à un atlas de référence, dit "de Greulich et Pyle", mis au point aux États-Unis dans les année 1940.

"Il peut y avoir un écart de trois ans"

Mais certains médecins refusent de pratiquer ce test osseux, jugé peu fiable dans ce contexte : "Cet examen, on le fait surtout chez des patients qui ont une maladie de la croissance ou de la puberté, chez qui on a besoin de savoir le retentissement de ces maladies, mais on ne peut pas utiliser cet examen pour déterminer l’age civil", affirme Caroline Storey, pédiatre endocrinologue à l’hôpital Robert Debré.

Elle-même refuse de faire passer cet examen : "Que ce soit pour les mineurs étrangers ou pas, il y a pas mal de publications sur le sujet qui ont montré que ce n’était pas fiable."

Si on essaie de déterminer un âge civil via un âge osseux, il peut y avoir un écart de trois ans

À l’ordre des avocats de Seine-Saint-Denis, on est habitué à voir de jeunes migrants errer au tribunal pour enfants dans l’espoir d’une prise en charge. Me Myriam Baghouli s’occupe plus particulièrement de ceux que le jargon administratif désigne désormais comme des "mineurs non accompagnés" ou MNA. Elle a eu récemment un cas similaire à celui de Sanogo : des papiers certifiés valables par la police aux frontières, mais sans photo d’identité, et un jeune soumis à l’examen médical : "Si le test osseux revient, ce qui a été le cas dans mon dossier, en indiquant qu’il était possible que le jeune soit majeur, le placement a immédiatement été levé".

Ces jeunes se retrouvent du jour au lendemain à la rue ! (...) A mon sens, ces tests ne devraient même pas avoir lieu ! Ils ne sont pas fiables, ils n’ont pas été faits pour ça

Le doute sur l’âge doit pourtant profiter à la personne. Et la marge d’erreur doit désormais être clairement précisée sur l’expertise. Difficile de savoir combien de ces tests sont encore pratiqués. Hors micro, deux juges pour enfants de Bobigny assurent ne plus en demander, sauf en de rares exceptions. Ce n’est pas l’avis de l’ordre des avocats : à la commission mineurs, Myriam Baghouli ne voit pas de recul dans l’usage des tests. À Paris et en Seine-Saint-Denis, le nombre de mineurs non accompagnés a doublé depuis deux ans. Le nombre de ces jeunes pris en charge par les départements devrait passer de 25 000 en 2017 à 40 000 cette année, et les élus appellent l’État au secours. "C’est une question avant tout politique", lâche un juge de Bobigny, inquiet du risque de marginalisation de ces jeunes, qui deviennent des proies pour les réseaux délinquants.  »

Voir en ligne : https://www.franceinter.fr/justice/...