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« Les mineurs non accompagnés sont d’abord des enfants avant d’être des étrangers »

Publié le 28-02-2019

Source : La Gazette des Communes

Auteurs : Brigitte Menguy et Isabelle Raynaud

Extraits :

«  Dématérialisation, protection de l’enfance, mineurs isolés... Le Défenseur des droits Jacques Toubon revient sur ses rapports avec les collectivités, déplorant le manque de pilotage national inhérent à la décentralisation.

Dans le cadre du Grand débat, le recul des services publics est un sujet identifié par les citoyens. Est-ce une bonne nouvelle pour espérer une amélioration ?

Le Défenseur des droits n’a pas attendu le 17 novembre (date du début du mouvement des « gilets jaunes », NDLR) pour s’apercevoir qu’il y a un problème de recul des services publics ! Les mouvements sociaux d’aujourd’hui sont une traduction d’une demande citoyenne qu’on avait déjà identifiée. Le recul mais aussi la dématérialisation des services publics créent des inégalités pour des millions de personnes en France et il faut y remédier, d’autant plus que cette situation s’accélère.

(...)

Concernant les personnes handicapées, on parle accessibilité mais la loi Elan est revenue sur l’obligation de construire 100% de logements accessibles…

C’est un sujet sur lequel on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein… Il est clair que l’abrogation de l’accessibilité universelle dans la loi Elan est apparue comme un recul et nous l’avons déploré. Nous verrons à l’expérience si les logements évolutifs peuvent permettre de répondre à la demande des personnes handicapées. Mais, c’est parce que l’accessibilité 100% a été abrogée que, par ailleurs, nous avons obtenu les ascenseurs au 3e étage. C’est une manière d’étendre de 20 à 30% l’offre de logements accessibles ! C’est donc au bout de plusieurs années qu’on pourra faire un bilan pour savoir si, en termes d’accessibilité effective, nous avons progressé ou pas.

Mais le domaine dans lequel le manque de prise en compte des personnes handicapées est le plus spectaculaire c’est l’école parce qu’à chaque rentrée la question revient. (...)

Les disparités d’un territoire à l’autre sont-elles importantes ?

Dans toutes les questions que nous traitons relatives aux collectivités territoriales, il est évident que ce qui manque, du point de vue du Défenseur des droits – donc de l’effectivité des droits –, c’est un pilotage national. C’est vrai pour les personnes handicapées, pour les personnes âgées, pour la protection de l’enfance… Aujourd’hui dans la situation actuelle de la décentralisation, dans la situation actuelle des collectivités, on est quelques fois dans des impasses et l’Etat n’a plus juridiquement beaucoup de compétences, il n’a pas beaucoup d’argent pour aider les collectivités et impose cependant un certain nombre d’obligations ou d’harmonisations. Nous, nous constatons donc que nous avons face à toutes ces questions des réponses qui sont assez hétérogènes.

Un effort est fait dans la ligne de la loi de 2016 sur la protection de l’enfance, dans la ligne des plans pour l’inclusion scolaire, etc. pour aller vers un certain pilotage national mais il atteint très vite ses limites. C’est une des raisons pour lesquelles le Défenseur des droits entretient beaucoup de relations avec les collectivités territoriales parce que les réclamations que nous recevons relèvent pour l’essentiel de décisions prises par ces collectivités. Et il est très difficile de convaincre l’Etat de s’investir de nouveau dans ces affaires parce que l’Etat considère d’une part qu’il n’a pas compétence et d’autre part, surtout, qu’il n’a pas les moyens de le faire.

Vous participerez à la concertation sur la protection de l’enfance, lancée par Adrien Taquet. Quel rôle voulez-vous jouer ?

Nous avons deux axes principaux de propositions.

La première, c’est que la politique de l’enfance ne doit pas se limiter à la protection de l’enfance. Celle-ci concerne plus de 300 000 mineurs alors que notre pays compte plus de 16 millions d’enfants. Il faut une politique globale de l’enfance dans laquelle notre revendication principale est la continuité. Parce que nous constatons, – principalement pour les services de l’aide sociale à l’enfance, mais aussi pour des enfants qui ne sont pas pris en charge par l’ASE – des discontinuités dans leurs parcours de vie qui créent autant de risques pour les enfants chaque fois qu’il y a une rupture scolaire, sociale, médicale…

La deuxième proposition, c’est effectivement de mener une politique de l’enfance qui soit une politique dans laquelle l’objectif d’égalité soit primordial. Il n’est pas possible d’admettre que les enfants selon qu’ils vivent dans le Finistère ou en Haute-Saône soient traités de manière si hétérogène. On revient là au pilotage national.

Lors de l’annonce de la concertation, certains départements ont regretté qu’on ne parle pas plus des mineurs non accompagnés (MNA)…

On en a beaucoup parlé en 2018, notamment lors du congrès de l’Assemblée des départements de France. Des mesures ont été prises par l’Etat mais elles restent encore relativement timides car l’augmentation de la prise en charge financière ne s’est accompagnée d’aucune modification dans l’intervention de l’Etat dans la phase première de mise à l’abri et d’évaluation. L’Etat dit simplement « je vous donne plus d’argent pour accueillir les jeunes, les héberger et les nourrir ».

Mais, parallèlement, l’Etat a lancé une intervention sous la forme du décret de l’article 51 de la loi Asile Immigration qui indique qu’il est possible d’établir un fichier pour contrôler les mouvements des MNA. Ce décret est sorti le 30 janvier.

Ce texte a pour principal défaut, philosophique, de refuser de considérer que les mineurs doivent recevoir un traitement particulier. Dans ce texte on les présume comme majeurs, ce qui a pour conséquence qu’ils dépendent de la compétence du ministère de l’Intérieur et de la filière migration, et non de l’aide sociale à l’enfance. Le décret dit : dès que l’évaluation constate la majorité, c’est la préfecture qui les prend en charge comme migrant, la qualité de mineur disparaissant et, il n’y a plus, par conséquent d’action sociale pour les protéger.

L’objectif de ce décret est d’essayer de traiter l’afflux de ces jeunes et de traiter la congestion dans laquelle se trouvent beaucoup de départements qui voient arriver l’essentiel du flux des MNA. Et, de répondre aux services de l’ASE qui sont débordés en termes physiques (parce qu’il n’y a plus de places dans les foyers, les hôtels…) et en terme financiers.

Nous, nous avons une interprétation différente. Nous considérons que ni l’Etat, ni les collectivités ne respectent la Convention internationale des droits de l’enfant en traitant ainsi les MNA, qui sont d’abord des mineurs avant d’être des étrangers.  »

Voir en ligne : https://www.lagazettedescommunes.co...