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Demandeurs de séjour pour soins : « Pourquoi un tel déni de la souffrance psychique ? »

Publié le 12-03-2019

Source : Le Monde

Tribune : Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, Professeur d’anthropologie, psychologue clinicienne et Sarah Iribarnegaray, Psychiatre

Extraits :

« «  La mise en doute des traumatismes subis par les demandeurs de titres de séjour pour soins a des conséquences graves, s’indignent Sarah Iribarnegaray, psychiatre, et Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, anthropologue et psychologue clinicienne.

La violence des lois de l’asile dans les pays européens et leur impact désastreux sur la santé et la précarité des migrants ont été maintes fois dénoncés. En revanche, on connaît moins les limites de la loi française, où l’Etat de droit se retrouve le premier compromis par des mesures qui sont autant d’entorses au respect de la personne, et dont les effets pervers viennent anéantir toute politique d’accueil cohérente. Dans le domaine de la santé, les contradictions se cristallisent particulièrement autour de la question du trauma psychique.

Les demandeurs d’asile qui ont vécu dans leurs pays d’origine des menaces, incarcérations ou violences souffrent fréquemment d’état de stress post-traumatique compliqué d’épisodes dépressifs. Ces individus aux capacités mémorielles perturbées ne parviennent pas à effacer la violence des images dans leur esprit, ne dorment plus, sont rivés à une angoisse envahissante.

Troubles faciles à ignorer

Pour ceux-là, la procédure d’asile a des conséquences terribles. En effet, ces patients qui précisément devraient attester des violences subies et faire pencher le juge du côté de la protection française ne peuvent parler avec « cohérence » et « spontanéité » des horreurs vécues, comme le souhaiterait une procédure fondée sur le récit. Un patient ayant subi un traumatisme grave peut se présenter perplexe ou détaché, son discours parfois peu cohérent, voire contradictoire, sa mémoire troublée rendant les éléments biographiques (parcours de vie et de migration) difficiles, voire impossibles à verbaliser. Ces troubles post-traumatiques sont du reste invisibles et variables dans leur présentation selon les individus, donc faciles à ignorer ou à mettre en doute.

Parmi les récentes mesures, la loi sur le droit des étrangers de mars 2016 a transféré l’évaluation médicale des étrangers malades des médecins des agences régionales de santé (ARS) dépendant du ministère de la santé à ceux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), autrement dit au ministère de l’intérieur. La récente loi de septembre 2018 exige que le demandeur d’asile fasse conjointement la demande d’asile politique et la demande de séjour pour soins. Or la plupart des exilés ne peuvent préciser leurs troubles qu’une fois leur accès aux soins effectif, bien après leur arrivée.  »

« Le premier motif des demandes, les troubles de la santé mentale et du comportement, est aussi celui qui fait l’objet du refus le plus massif » (...) »

Voir en ligne : https://www.lemonde.fr/idees/articl...