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Ils sont 7 pour accueillir 800 mineurs isolés : les agents de la CAMNA 93 en grève

Publié le 26-04-2019

Source : Bondyblog

Auteur : Héléna Berkaoui

Extraits :

«  Six mois après sa création, la cellule d’accompagnement des mineurs non accompagnés (CAMNA) de Bobigny est en grève. Manque criant d’effectifs, burn-out, cette situation intenable menace la mission première de cette structure : la protection de jeunes isolés. En face, le département promet du renfort et l’État brille par son absence.

La grève des agents de la CAMNA a été levée en début d’après-midi. (...)

« Ça fait 5 mois que je suis arrivé en France et je ne comprends pas… Je ne peux pas aller à l’école ni travailler, je n’ai rien du tout. » Lamine a 15 ans, il vient du Mali. Depuis plusieurs mois, il est hébergé dans un hôtel insalubre de Noisy-le-Sec où les punaises de lit lui mènent la vie dure. Il aimerait entamer des démarches pour suivre une formation en pâtisserie, d’où sa présence devant la cellule d’accompagnement des mineurs non accompagnés (CAMNA) à Bobigny, ce mardi. Mais moins d’un an après sa création, la cellule dédiée aux mineurs étrangers de la Seine-Saint-Denis, au bord du burn-out, s’est mise en grève.

En service depuis septembre dernier, la CAMNA est devenue le lieu unique de prise charge de ces jeunes qui étaient auparavant accompagnés par les différents bureaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE) du département. Dans le circuit d’accueil d’un mineur étranger, le rôle de cette cellule arrive après que le juge des enfants a reconnu la minorité de ce dernier et qu’il délivre en conséquence une ordonnance de placement provisoire. À ce moment-là, la CAMNA se charge de loger le mineur et de lui apporter un suivi dans ses démarches administratives au quotidien.

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« La protection de l’enfance, là, elle n’est pas jouable »

Au même moment, derrière les portes teintées des locaux de la CAMNA, des travailleurs sociaux sortent de l’assemblée générale des grévistes pour nous recevoir. « Nos conditions de travail à la CAMNA sont dégradées, les conditions d’accueil des jeunes sont dégradées du fait principalement du manque de personnel. Au départ la CAMNA a ouvert pour 300 jeunes, il y avait dix postes d’éducateurs en face, puis progressivement les collègues sont partis, en parallèle, le nombre de jeunes pris en charge a continué à augmenter. Aujourd’hui, on est tombé à 5 éducateurs pour 800 jeunes », explique Agnès Ciron, travailleuse sociale à la CAMNA qui précise que deux éducateurs sont arrivés la semaine dernière.

Rattachée au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, qui est en charge de la protection de l’enfance, cette cellule était pourtant supposée être calibrée pour faire face à la hausse du nombre de mineurs étrangers dans le département qui a triplé ces trois dernières années, atteignant le chiffre de 1 500 (dont 800 pris en charge par la CAMNA). (...)

Le département annonce des renforts

Les travailleurs sociaux font face à l’incompréhension et à la détresse des jeunes qui attendent devant les locaux, ce qui provoque des situations extrêmement tendues. « Il faut tenir compte de l’arrivée de ces jeunes sur le territoire français. Ce qu’ils ont vécu pendant toute leur traversée, nous on ne le sait pas. Il y a ceux qui arrivent à dire les choses, mais s’il n’y a personne pour les accompagner à un moment, ils craquent (...) », déplore Henry-Cecyl Coezy (...).

Face à ce mouvement social, le président (PS) du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, a annoncé le renfort de six éducateurs et d’un infirmier. Mais les agents craignent que cette mesure soit sans grand effet si elle vient seulement pallier les départs. (...)

En plus de ces renforts, les grévistes réclament l’intégration d’un psychologue à leur équipe qui pourrait orienter ces jeunes vers des suivis adaptés. Mais aussi la mise en place d’un boîtier de renouvellement du passe Navigo, le recrutement immédiat de deux éducateurs de soutien et une prise en charge adaptée aux situations de chaque mineur. Selon le syndicaliste FSU, Julien Fonte, « a priori, les nouvelles propositions (du département) conviennent et la grève pourrait être levée dès la réception du courrier » de confirmation des accords.

La Seine-Saint-Denis (encore) moins bien dotée que les autres

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Le président du conseil départemental a bien alerté les ministres concernés mais sans grand succès. « La prise en charge par l’État ne suit pas et le président de la République vient faire de grands discours sur la solidarité nationale », enrage l’élu. (...)

« Ce n’est pas aux départements de se transformer en supplétifs du ministère de l’Intérieur »

Mais ce n’est pas tout, pour soutenir les départements, le gouvernement a introduit, dans la loi asile-immigration, un article qualifié de « scélérat » par Stéphane Troussel qui a refusé, comme la maire de Paris, d’appliquer le décret. Celui-ci prévoit la création d’un fichier des mineurs isolés étrangers centralisant les différentes évaluations qui auraient pu être faites de l’âge d’un même mineur par différents départements auprès desquels il aurait déposé un dossier de régularisation. (...)

Sans compter le fait que les procédures d’évaluation sont largement critiquées pour leur imprécision et leur application hétérogène selon les territoires. Les tests osseux sont au cœur de cette polémique. Réalisés à partir d’une radiographie du poignet, ils sont supposés déterminer l’âge d’un individu qui se présente comme mineur. Mais la rigueur de ces tests est largement remise en cause dans le milieu scientifique et leur marge d’erreur peut atteindre un ou deux ans. Une différence de taille, quand on sait que ces tests sont principalement pratiqués sur des jeunes de 16 à 18 ans. Le président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) Jean-François Martini, dans Le Monde, explique en outre que « les taux de refus varient de un à dix, selon les départements ». Et Stéphane Troussel de rappeler que « ce n’est pas aux départements de se transformer en supplétifs du ministère de l’Intérieur ».

Le président du conseil départemental espère toutefois que la création du secrétariat d’État à la protection de l’enfance apportera quelques réponses avant l’été. Une perspective lointaine et incertaine, tant pour ces jeunes que pour les agents de la CAMNA. »

Voir en ligne : https://www.bondyblog.fr/reportages...