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Témoignage : "Enfant de la Ddass, je suis devenue députée"

Publié le 7-06-2019

Source : Femme Actuelle

Auteur : Isabelle GRAVILLON

Extraits :

«  Perrine Goulet, 41 ans, est mère de trois enfants et cadre chez EDF. Placée dans un foyer alors qu’elle n’avait pas 10 ans, elle est aujourd’hui une élue de la République. Un parcours hors du commun auquel son enfance et son adolescence chaotiques ne la prédestinaient en rien.

(...)

"Au foyer, la violence régnait"

" A la mort de ma mère, mon petit frère et moi avons été placés dans un foyer. Ni mon père ni personne dans ma famille ne pouvait s’occuper de nous. J’avais 9 ans et, du jour au lendemain, j’ai été arrachée à ma vie d’avant, à mon cocon familial. Je me suis retrouvée dans une chambre avec quatre autres enfants, sans même un paravent pour protéger mon intimité, et sans mon frère. Même les douches étaient collectives. Les éducateurs, trop peu nombreux, n’avaient pas le temps pour m’écouter et m’accompagner dans mon deuil. Il ne me restait que quelques affaires. Si j’avais eu plus, on me l’aurait de toute façon volé. Car la violence régnait partout au foyer. Entre les enfants, les plus grands intimidant les plus jeunes, se cherchant toujours un souffre-douleur pour évacuer leurs frustrations. De la part des adultes aussi, certains éducateurs s’imposant par les coups, les cris et les propos humiliants.

(...)

"J’ai eu la chance que les parents de mon petit ami m’accueillent "

Quelques mois avant mes 18 ans, j’ai été installée dans un appartement avec d’autres jeunes du foyer. Un test pour nous préparer au "grand saut" puisqu’au-delà de notre majorité, la DDASS cessait de nous prendre en charge. Nous logions dans un quartier prioritaire, avec toutes les difficultés et tentations possibles. Qui sait ce que je serais devenue si j’y étais restée… Mais j’ai eu l’immense chance que les parents de mon petit ami, rencontré grâce au handball, m’accueillent chez eux. (...)

(...)

"Je réalise qu’en 20 ans, rien n’a changé pour les enfants placés "

(...) A ma grande surprise, je suis élue ! Le soir de ma victoire, mon frère a ces quelques mots : " Quand on pense d’où on vient… " Moi non plus je ne l’oublie pas. Dans les mois qui suivent, mes fonctions de députée m’amènent à rencontrer des interlocuteurs impliqués dans la protection de l’enfance. Je réalise que, pour les enfants placés, rien n’a vraiment changé depuis vingt ans. Une certitude s’impose alors à moi : alors que je sais mieux que personne ce qu’ils vivent, ne pas leur venir en aide serait de la non-assistance à personnes en danger.

"En plein hémicycle, je lâche ma propre histoire "

A partir de là, je tente sans relâche d’obtenir la création d’une mission d’information sur la protection de l’enfance. Pour comprendre pourquoi cela fonctionne si mal à certains endroits, comment nous pourrions mieux accompagner ces enfants sur lesquels les départements sont censés veiller, et éviter qu’un nombre si important d’entre eux se retrouve plus tard SDF. Comme on me répond que ça n’est pas le bon moment, j’interpelle la ministre Agnès Buzyn lors d’une séance de questions au gouvernement. Quand je saisis le micro devant mes collègues députés dans l’hémicycle, je ne sais pas encore que je vais fendre l’armure. Mais, très vite, je lâche mon histoire : je suis moi-même une enfant de la DDASS, j’ai grandi dans un foyer. Il fallait sans doute que ça sorte… Je ne regrette pas cette confidence, elle me rend d’autant plus légitime dans mon combat. Elle donne aussi de l’espoir à tous les enfants placés, actuels et anciens, qui voient enfin l’une des leurs en capacité de faire entendre leur voix. " »

Voir en ligne : https://www.femmeactuelle.fr/sante/...