Accueil > Actualités MIE > Pourquoi l’aide sociale à l’enfance est à bout de souffle en Creuse
Publié le 13-06-2019
Source : La Montagne
Auteur : Vianney Loriquet
Extraits :
« En Creuse, le taux d’enfants placés a continuellement augmenté depuis dix ans, pour atteindre un pic de 370 enfants aujourd’hui. C’est le plus fort taux de France, rapporté à la population du département. Comment en est-on arrivé là ? Voici quelques éléments de réponse.
(...)
Pour en arriver là, il a fallu passer par plusieurs étapes. Changement sociétal profond, notamment sur l’éducation à la parentalité, législation qui favorise la prise en charge à domicile des enfants, et une explosion du nombre de mineurs isolés. Tout cela entremêlé conduit aujourd’hui à un niveau encore jamais atteint de dossiers à gérer, dans des services « mis sous pression » où les effectifs ont du mal à suivre : en moyenne, les assistants sociaux suivent 40 dossiers chacun en Creuse, soit dix de plus que la moyenne nationale.
Un problème de parentalité avant tout ?
Ce serait un problème général en France, et pas forcément spécifique à la Creuse, que décrit Patrice Morançais. Mais pour lui, cela ne fait aucun doute : la structure familiale a beaucoup évolué ces dernières décennies, et pas forcément dans le bon sens.
(...)
L’échec des alternatives au placement
À cette problématique parentale vient s’ajouter un contexte législatif qui a évolué lui aussi en 2016. D’après Patrice Morançais, la loi promulguée en mars de cette année et relative à la protection de l’enfant tend à favoriser les mesures alternatives au placement. Notamment via la mise en place d’actions éducatives en milieu ouvert (AEMO), avec l’intervention des services sociaux auprès de la famille et le maintien de l’enfant chez ses parents.
(...)
Les familles d’accueil sous pression
Cette parentalité défaillante, Bernard Nany la vit depuis 20 ans. Avec son épouse, il est famille d’accueil et aide des mineurs placés à se sortir de « ce tourbillon infernal ». Passionné par son travail, spécialisé dans les adolescents, il les accueille dès l’âge de 11 ans pour « tenter de les remettre d’aplomb ».
(...)
Et d’ajouter : « Dans les actions en milieu ouvert, il y a peu de visites à l’improviste. L’assistant social prend généralement rendez-vous avec les familles, donc forcément tout à l’air d’aller bien. Mais ils ne voient pas ce qu’il se passe quand ils ont le dos tourné, notamment la nuit. »
Quand le jour tombe, il n’y a personne pour constater les violences, les abus, et parfois les viols.
Couper totalement l’enfant de sa famille ne serait néanmoins pas une solution à en croire le professionnel. « Il faut à tout prix maintenir un contact ponctuel, sans quoi l’ado va idéaliser ses parents. Parfois, c’est dur, on les récupère à la petite cuillère. Mais c’est là qu’on va pouvoir engager le processus de libération, quand il se rendra compte de tout le mal que cette situation lui fait. »
(...)
Des services mal préparés à cette explosion
« Depuis 2015, nous avons un fort turnover dans nos équipes, confirme Patrice Morançais. Départs à la retraite, mutations… Cette instabilité n’a certainement pas favorisé la prise en charge de la montée du nombre de dossiers. Pas plus que des problèmes de dialogue en interne, pour lesquels nous avons dû faire appel à une mission extérieure. »
Le département de la Creuse accompagne les jeunes qu’on lui a confiés jusqu’à 21 ans ( mars 2019)
Aujourd’hui, le vice-président souhaite « donner les moyens à l’ASE de faire convenablement son travail, le plus rapidement possible ». Cela passe notamment par la création de trois postes supplémentaires sur le département.
Du côté des familles d’accueil, Pierre Morançais confirme la difficulté à recruter : « Je crains que certains prennent peur et ne jettent l’éponge », souffle-t-il. Pourtant, des professionnels comme Bernard Nany et sa femme continueront d’exercer avec passion. « Mais ce n’est pas donné à tout le monde », confirme ce dernier.
Bientôt à la retraite, il prévient : « Les personnes qui décident, à Paris, ne connaissent pas la réalité du terrain. Rien, ou pas assez, n’est fait sur la parentalité actuellement. L’État ne fait que la moitié de son travail. »
En chiffres
Voir en ligne : https://www.lamontagne.fr/gueret-23...