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La nuit, dans les prisons : « un enfermement dans l’enfermement »

Publié le 3-07-2019

Source : Dalloz Actualité

Auteur : Marine Babonneau

Extraits :

«  La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) publie un rapport sur « la nuit dans les lieux de privation de liberté », tiré d’exemples récoltés entre 2015 et 2019 lors de visites au sein d’établissement de santé mentale, de centres de rétention administrative, de dépôts, de locaux de garde à vue et d’établissements pénitentiaires.

La CGLPL rappelle les évidences : le sommeil constitue « un élément vital pour le métabolisme ». Dans une prison, dans un centre de rétention, dans un local de garde à vue, dormir n’est en réalité que l’accessoire des considérations d’organisation. La relève des équipes, la remise du dîner – parfois à 15h30 ! –, la surveillance, le bruit incessant, la lumière, les espaces confinés, la surpopulation carcérale, la chaleur, le froid et une literie indigente constituent autant de barrières au droit au repos. Tout cela « est un révélateur puissant des failles des organisations, des architectures et des technologies, plus ou moins palliées pendant le jour, elles s’imposent la nuit sans pouvoir être dissimulées ou réparées ». C’est une atteinte aux droits fondamentaux « dans leur quasi-intégralité », cingle le document.

« Chaque personne détenue doit disposer d’un lit individuel et d’une literie appropriée, entretenue convenablement et renouvelée de façon à en assurer la propreté. La literie ayant servi à une personne détenue ne peut être réutilisée sans avoir été préalablement nettoyée ou désinfectée, selon le cas », précise le règlement intérieur type d’un établissement pénitentiaire.

Premier constat du rapport, la literie, qui devrait être remplacée tous les trois ans, est souvent sale et « inadaptée ». (...)
Que dire des punaises de lit, cafards, moustiques « qui se manifestent surtout la nuit », à tel point que les personnes contraintes de dormir à même le sol ont peur de dormir ?

Viennent s’ajouter les odeurs dans des cellules qui s’aèrent peu, notamment celles fermées nuit et jour, et les températures extrêmes.

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Parfois aussi, note le rapport, les cellules restent allumées après la ronde de nuit d’un agent. Aucun moyen pour le prisonnier de l’éteindre sauf à appeler le surveillant, qui ne se déplace pas toujours. En 2018, dans un établissement pour mineurs, la CGLPL note « un système d’éclairage couplé à celui de la télévision. Lorsque les agents procèdent à une extinction globale des téléviseurs, ils plongent concomitamment les adolescents dans l’obscurité. Or certains peuvent redouter de se trouver dans le noir, en particulier lorsqu’il faut s’y mouvoir pour atteindre, par exemple, les WC ». À l’inverse, dans des centres éducatifs fermés ou dans des locaux de garde à vue, les geôles sont vitrées, laissant passer les lumières des couloirs, rendant quasi impossible l’endormissement.

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« Dans une maison d’arrêt du Grand-Ouest, visitée en 2018, les conditions de vie en cellule disciplinaire sont telles que les personnes qui y sont enfermées hurlent parfois la nuit, suscitant l’exaspération dans toute l’aile ».

La nuit, un droit à l’intimité méconnu

Comment se reposer sous l’œil permanent d’autrui ? Dans une cellule minuscule, avec un codétenu qui laisse la télévision allumée toute la nuit ou dont on a peur ? L’encellulement individuel, qui est la règle mais dont l’application a encore été repoussée à 2022 en raison du manque de place, permettrait de rendre la situation moins explosive. Un homme raconte : « En cellule, nous sommes trois pour à peine 9 m², à cela, il faut enlever le coin d’eau, les toilettes, le lit triple et les tables, autant dire que, pour la circulation en cellule, c’est compliqué. Souvent, on essaie de faire une rotation pour qu’une des trois personnes reste sur son lit. Je tiens à souligner qu’un chien à la SPA a une « cage » de 9 m² pour lui tout seul, ce qui montre, je pense, les conditions très compliquées, pour ne pas dire “ignobles” de vie. Que dire quand une personne va aux toilettes : on entend tout, je ne parle même pas des odeurs. Je n’appelle pas cela des conditions de vie normales pour être un être humain ».

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La CGLPL note que les mesures de surveillance se font « de manière plus ou moins régulière » selon les établissements. Pour d’autres encore, les rondes de nuit, le plus souvent réalisée de manière bruyante, sont des moments pénibles, les réveillant plusieurs fois par nuit, malgré les somnifères prescrits. Un cercle infernal.

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La nuit, le droit à la sécurité non garanti

En 2018, en prison, 119 personnes sont décédées par suicide. 70 d’entre elles (soit 58,8 %) sont passées à l’acte en service de nuit. « Les automutilations, les tentatives de suicide et les départs de feu volontaires sont également fréquents la nuit », ajoute la CGLPL. « Terrorisé et la figure en sang, je me suis mis à frapper à la porte en hurlant pour demander de l’aide. Un surveillant est venu et a regardé par le hublot, mais est reparti sans rien faire. Je suis resté dans la cellule avec mon agresseur, terrorisé, le visage tuméfié, saignant du nez, jusqu’à 7 heures du matin », raconte un détenu.

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