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La CJUE encadre le droit de sanctionner la violation grave du règlement des centres d’hébergement

Publié le 21-11-2019

Source : Dalloz actualité

Auteur : Charlotte Collin

Extraits :

«  Un mineur non accompagné demandeur de la protection internationale ne peut être sanctionné par le retrait du bénéfice des conditions matérielles d’accueil ayant trait au logement, à la nourriture ou à l’habillement même s’il s’est rendu coupable d’un manquement grave au règlement du centre d’hébergement dans lequel il est accueilli.

Dans un arrêt de grande chambre, la Cour de justice de l’Union s’est prononcée pour la première fois sur la portée du droit conféré aux États membres par l’article 20, § 4, de la directive 2013/33, dite Directive « accueil », de déterminer les sanctions applicables lorsqu’un demandeur de protection internationale se rend coupable d’un manquement grave au règlement du centre d’hébergement dans lequel il est accueilli ou d’un comportement particulièrement violent. Le juge de Strasbourg a ce faisant fortement encadré la marge d’appréciation des États membres en jugeant que cette disposition ne leur permet pas d’infliger une sanction consistant à retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil du demandeur ayant trait au logement, à la nourriture ou à l’habillement.

(...)

Après avoir rappelé que la directive ne donne pas de définition de la notion de « sanction », visée à l’article 20 § 4, et que les États membres disposent d’une marge d’appréciation dans la détermination de ces sanctions (§ 41), la Cour a relevé que le libellé de la directive ne peut en lui-même pas permettre de répondre à la question posée par la juridiction, et qu’il convient de prendre en compte aux fins de l’interprétation la finalité de la directive et son économie générale (§ 42). En suivant cette ligne d’interprétation, le juge de Strasbourg estime que de telles sanctions peuvent, en principe, porter sur les conditions matérielles d’accueil et que les États membres peuvent, par exemple, en limiter ou retirer le bénéfice lorsqu’un demandeur a dissimulé ses ressources financières (§ 40). Par ailleurs, « eu égard à sa finalité et à ses conséquences défavorables pour ce demandeur », le retrait du bénéfice des conditions matérielles d’accueil constitue bien une « sanction » au sens commun du terme (§ 43).

Cependant, la Cour ne se contente pas de rappeler la nature des mesures de sanction, elle en profite ici également pour en encadrer les conditions de prononcé. De telles sanctions doivent en effet selon la Cour et conformément à l’article 20, § 5, de la directive, être objectives, impartiales, motivées et proportionnées à la situation particulière du demandeur. Elles doivent par ailleurs, et en toutes circonstances, préserver un niveau de vie digne (§§ 45, 46 et 48). En particulier, l’exigence relative à la préservation de la dignité du niveau de vie commande, selon la Cour, que « la personne concernée ne se trouve pas dans une situation de dénuement matériel extrême qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que ceux de se loger, de se nourrir, de se vêtir et de se laver ». De plus, le juge européen prend soin de rappeler l’exigence de proportionnalité dans le prononcé des sanctions, inscrite à l’article 20, § 5, de la directive.

Enfin, la Cour prend soin de consacrer quelques paragraphes à la prise en compte particulière de la situation d’un mineur non accompagné. Elle précise que celui-ci est une personne vulnérable, état qu’il faut prendre en compte « de manière accrue » lors du prononcé de sanctions, tout autant que « la considération primordiale » qu’est l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux (§§ 54 à 55).

(...)

Or si ces conclusions s’appliquent au droit belge, elles résonnent également en droit français. Le législateur français a en effet transposé le régime d’octroi et de retrait des conditions matérielles d’accueil prévu par la directive « accueil » aux articles L. 744-7 et L. 744-8 du CESEDA. En particulier, le bénéfice de conditions matérielles d’accueil, qui fait l’objet d’une décision expresse du directeur général de l’Ofii (CESEDA, art. L. 744-3), peut être retiré si le demandeur d’asile a dissimulé ses ressources financières, a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes, ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d’hébergement (CESEDA, art. L. 744-5 et D. 744-6). Le juge administratif français s’était sur ce point montré particulièrement sévère, en considérant par exemple qu’alors même que la décision de retrait des conditions matérielles d’accueil n’avait pas été précédée d’une mise en demeure, le recours du demandeur devait être rejeté au motif que son comportement affectait de manière permanente la tranquillité des autres résidents (CE 15 févr. 2019, n° 427803). (...)  »

Voir en ligne : https://www.dalloz-actualite.fr/fla...