« Mineurs isolés. À la Goutte d’or, l’engrenage de la violence »

« Qu’as-tu sur la joue, que t’est-il arrivé ? » s’alerte Fathia tandis que Samir vient la saluer. « Rien, rien… une bagarre », répond, bravache, l’adolescent au visage tuméfié. Dans la rue de la Goutte-d’Or, à deux pas du métro Barbès, ils sont nombreux à se regrouper, certains assis sur le muret qui borde la poste, d’autres sur le trottoir. Beaucoup d’entre eux ont le visage marqué par des blessures récentes, portent des cicatrices ou un bandage sur un bras ou une jambe, certains sont estropiés ou éborgnés… Beaucoup ont l’air absent, manifestement sous l’emprise de stupéfiants. Dans une rue adjacente, une dizaine de jeunes garçons et filles discutent dans la laverie automatique, devenue un de leurs points de ralliement. Ils s’y réchauffent et se reposent, recroquevillés à l’intérieur des sèche-linge. C’est le cas de Lila, dont nous n’apercevons de prime abord que les jambes.

Quand elle sort la tête de la machine, nous remarquons qu’un de ses yeux est tellement gonflé qu’elle ne peut plus l’ouvrir. Un hématome couvre la quasi-intégralité de sa joue gauche. « La nuit dernière, on s’était installées sur la grille d’une bouche d’aération du métro, au Trocadéro, quand la police est venue nous gazer », explique-t-elle. « Ils nous chassent toujours, ils ne nous laissent jamais dormir », confirme Sabrina.