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Un accueil inconditionnel des migrants

Publié le 13-03-2022

Date : 13/03/2022
Source : Mediapart

Auteur : Jean-Pierre Martin

"A Médecins du monde, un accueil inconditionnel de refugiés-migrants se réalise en rupture avec le non-accueil des politiques gouvernementales. La crise de l’accueil n’est donc pas une crise migratoire, mais un tri des migrants avec un parcours du combattant dans l’accès à toute demande d’asile.

Accueil migrants

A Médecins du monde un accueil inconditionnel de refugiés-migrants se réalise en rupture avec le non-accueil des politiques gouvernementales. La crise de l’accueil n’est donc pas une crise migratoire, mais un tri des migrants avec un parcours du combattant dans l’accès à toute demande d’asile, avant de rencontrer le passage à l’OFPRA où sa reconnaissance de reconnaissance comme réfugié politique ou à titre subsidiaire qui nécessite de faire la preuve des violences subies au pays et répétitives dans la migration. Prendre le risque de mourir pour accéder à un lieu où vivre, se confronte à l’OFPRA à un protocole administratif qui rend inaudible l’indicible traumatique de ce qui a été vécu et une violence de plus psycho-traumatique qui fait apparaître en différé la névrose traumatique par sa répétition en différé. J’aborde ici l’accueil des adultes les mineurs isolés relevant d’une consultation spécifique. Ces migrants réfugiés sont adressés par la veille sanitaire de MDM sur les camps et les squats où des structures d’accueil transitoires selon le statut de demande d’asile qui différencie la demande politique du statut de dubliné ou économique, en contradiction avec la Convention de Genève de 1951.

La consultation psy aborde le trauma par son traitement symptomatique corporel et émotionnel, à la suite d’une consultation de médecine générale et d’un temps de mise en forme du dossier, la traduction étant par téléphone. Ce parcours d’objectivation laisse le migrant dans sa demande première : avoir des papiers et être hébergé hors de camps indignes dans la rue ou des gymnastes. Ce sont donc ses conditions deshumanisantes et les douleurs corporelles et les symptômes émotionnels (cauchemars, séquelles multiples, troubles de mémoire) qui centrent l’entretien et des orientations vers le soin somatique.

La salle d’attente est donc celle de demandes de soin individuelles qui ressemble à celle des urgences de l’AP-HP deshumanisantes et centrées sur le diagnostic objectif sans écoute du sujet dans sa culture de représentation de la douleur et la souffrance.

Nous avons donc créé en rupture un autre type d’accueil centré sur un collectif d’accueil centré sur l’échange collectif entre migrants et intervenants en première intention avec la présence physique d’interprètes. Chacun et chacune se présente comme premier échange ce qui introduit une ambiance, un milieu vivant personnalisé avec ses postures et ses gestes avant toute consultation médicale, psy, juridique. Ce temps refuge d’accueil est animé durant ce temps des consultations par des activités support d’expression libre par la parole, le dessin, une cartographie d’itinéraires à partir de traces et de gestes qui participent d’un échange humain. La présence de l’interprète dans le groupe puis les entretiens personnalisés est celui d’un tiers qui traduit mais aussi rend compte des conflits de sens culturels de la langue d’origine. Lieu refuge auto-organisé d’accès à une aide soignante globale et juridique, il permet d’y revenir en dehors de tout suivi de consultation établi. Cette ambiance relationnelle vivante sort le sujet de son invisibilité et indicibilité, un être là avec le réfugié ou la réfugiée qui le sort d’un récit de plus qui fait preuve objective avant tout entretien individuel d’accès à l’intimité. Ce moment d’humanité ouvre l’espace d’exister au sujet dans sa culture et ses besoins corporels, le travail d’une cartographie de ces démarches actuelles ou à mettre en œuvre étant souvent le premier moment de rencontre avec sa subjectivité. Le suivi dans le temps permet de le reprendre vers un accès à l’histoire intime avec ses vécus dépressifs, mélancolique, sexuels et une première approche des identifications parentales et de crises antérieures. Un début de subjectivation d’une rencontre interculturelle qui institue du transculturel en commun. Cette ouverture a non seulement orienté des situations pathologiques vers le droit commun, mais dans nombre de cas permis d’aborder un temps psychothérapique dont la particularité est d’être à trois avec l’interprète. Expérience clinique de résistance comme autre pratique d’accès aux soins et à l’accueil inconditionnel.

Cette approche a nécessité un cadre spécifique pour les femmes, la plupart venant d’Afrique de l’Ouest, dont la demande ne se réfère pas à la répression politique mais à une protection subsidiaire à la suite de violences conjugales, claniques et religieuses. De même je n’aborde pas ici l’accueil des Mineurs isolés (MNA) dont plusieurs dizaines de milliers sont en errance à la rue en contradiction avec l’obligation d’Etat d’une réelle prise en charge comme mineurs à protéger. Une question complexe reste les tensions entre ethnies, les afghans étant largement dominants avec quelques soudanais de langue arabe, difficile à dépasser dans l’échange collectif d’accueil. Son activité a également été réduite par les jauges issues des mesures de distanciation du Covid et est en voie de reprise, le maintien des consultations ayant continué."

Voir l’article en ligne : www.blogs.mediapart.fr