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Mineurs en recours : "Refuser des jeunes dans un centre d’accueil, c’est inédit"

Publié le 12-05-2022

Date de la publication : 12/05/2022
Source : Infomigrants
Auteur : Charlotte Boitiaux


« Des jeunes migrants évacués d’un camp informel ont été refoulés la semaine dernière d’un centre d’hébergement en région parisienne dès leur arrivée, rapporte l’association Utopia 56. Du jamais vu, selon les militants associatifs. Sans toit ni solutions, ces adolescents en attente de la reconnaissance de leur minorité devant un juge dorment actuellement dans un square parisien.

"Ils les ont expulsés illico presto. On n’avait encore jamais vu ça". Pierre Mathurin, coordinateur parisien de l’association Utopia 56 n’en revient pas. Une trentaine de jeunes n’ont pas pu accéder à un centre d’accueil à Clichy (Hauts-de-Seine) après le démantèlement de leur campement parisien, mardi 3 mai, porte de Clignancourt.

"Je travaille à Paris depuis longtemps et je n’avais encore jamais vu de centre d’hébergement refouler aussi vite. Normalement, les migrants peuvent dormir au chaud quelques semaines voire quelques mois avant une remise à la rue. Là, ce fut immédiat".

Selon le militant, les 30 jeunes n’ont pas pu dormir au chaud à cause de leur statut administratif : ce sont des mineurs en recours. En d’autres termes, ils attendent la décision d’un juge qui décidera s’ils sont mineurs – et donc pris en charge par le département – ou majeurs – ils devront alors se débrouiller seuls, sans ressources financières et sans accompagnement social.

En attendant de passer devant un juge des enfants, rien n’est donc prévu pour ce public vulnérable : ils sont livrés à eux-mêmes.

"Remise à la rue automatique"

Une réalité qui a pris tout son sens devant le centre d’hébergement de Clichy, le 3 mai dernier. Selon les acteurs du lieu, le profil de ces jeunes "ni tout à fait mineurs, ni tout à fait majeurs" ne correspondait pas aux conditions d’accueil. "Ils leur ont dit qu’ils accueillaient seulement des migrants déposant un dossier de demande d’asile", détaille Pierre Mathurin.

Aucun des jeunes n’a voulu entamer ces démarches d’asile, étant déjà engagés dans un autre combat administratif. "Ils ont montré leurs papiers [ceux qui prouvent leur recours en justice] mais le centre de Clichy n’a rien voulu entendre".

Les exilés sont donc revenus quelques heures plus tard à Paris. "On appelle ça une remise à la rue automatique", conclut Pierre Mathurin.

Squatter les parcs municipaux

Depuis le 3 mai, ces jeunes dorment dehors, et Utopia 56 cherche une solution. Impossible de retourner dans leur ancien campement porte de Clignancourt : les forces de l’ordre les en ont empêchés. "Il y avait sept camions de CRS, le soir du 3 mai. Les jeunes n’ont pas réussi à poser leur tente. Ils sont repartis".

Direction le square Séverine, dans le 20e arrondissement. Là-bas, les exilés installent leur tente le soir et repartent vaquer à leurs occupations chaque matin. En quelques jours, d’autres mineurs sont venus se greffer au groupe. Ils sont aujourd’hui 70 jeunes environ à dormir sur les trottoirs de la capitale.

"La mairie de Paris nous a dit qu’on pouvait rester dans ce square municipal en attendant une solution pérenne", continue Pierre Mathurin. Mais une semaine plus tard, le 10 mai, les forces de l’ordre ont évacué le lieu. Nouvelle destination où passer la nuit : le square Truillot, dans le 11e arrondissement de Paris. "Nous dormons là-bas depuis mardi".

Depuis des années, des jeunes migrants, âgés de 14 à 17 ans, survivent ainsi, sans toit ni aide de l’État, à Paris. L’impact de cette errance sur leur santé mentale et psychique est souvent catastrophique.

Selon Utopia 56, ils seraient actuellement entre 150 et 200. "Difficile de connaître exactement leur nombre, certains échappent à nos radars et préfèrent s’isoler", explique Pierre Mathurin. Originaires d’Afrique de l’ouest, principalement de Côte d’Ivoire, du Mali, ou encore de République démocratique du Congo, ils sont une majorité de garçons "bien qu’il y ait aussi quelques filles".

Un seul centre d’hébergement existe à Paris pour accueillir ces jeunes en recours : le centre Émile Zola dans le 15e arrondissement. Doté d’une quarantaine de lits, il n’est pas en mesure de recevoir davantage de jeunes. Face à ce manque de places dénoncé depuis des années par les acteurs associatifs, Utopia 56 prévoit un rassemblement mardi 17 mai devant le Conseil d’État afin de demander aux autorités compétentes l’ouverture d’une deuxième structure similaire. »

Voir l’article en ligne : www.infomigrants.net