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Il affirme avoir fêté ses 18 ans enfermé au centre de rétention administrative de Bordeaux

Publié le 5-08-2022

Source : Rue 89
Date : 05/08/2022
Autrice : Pauline Roussel

"Un jeune camerounais assure avoir été placé au centre de rétention administrative (Cra) de Bordeaux alors qu’il était encore mineur, contrairement à ce qu’impose la loi. Mais les autorités et juridictions n’ont pas jugé valable son acte de naissance dans l’évaluation de son placement, l’ « authenticité » de ce document n’étant selon elles pas « établie ». La Cimade dénonce cette situation."

La loi française est claire. Elle dispose qu’un mineur ne peut-être retenu en centre de rétention administrative (Cra) que s’il accompagne un étranger lui-même placé en rétention. Or, le 3 août, dans le sous-sol de l’hôtel de police où se trouve le Cra de Bordeaux, un jeune camerounais – en situation irrégulière et non accompagné – aurait passé ses 18 ans enfermé.

Cécile Roubeix est intervenante au Cra de Bordeaux pour la Cimade, association de soutien aux étrangers en situation irrégulière. Elle explique la situation à Rue89 Bordeaux :

« Il a été placé au Cra le 7 juillet dernier alors qu’il était encore mineur et qu’il dispose d’une copie de son acte de naissance attestant qu’il est né le 3 août 2004. Malgré la production de cet acte, la préfecture de la Gironde et les magistrats ont retenu qu’il était majeur au regard de la date de naissance, estimée à 2001, présente sur l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) qu’il a reçu en décembre 2021. Cette situation est un réel problème. »

Un document dont « l’authenticité n’est pas établie »

À 16 ans, le jeune homme fuit la « misère » de son pays pour la France. Arrivé à l’hiver 2021, il raconte être passé par Bordeaux, Paris puis Toulouse, avant de revenir ici.

« Pour pouvoir vivre à Paris et continuer de marcher sans qu’on ne me retienne, j’ai dit que j’étais majeur. Mais quand je suis arrivé à Toulouse, au foyer pour mineur DDAEOMIE, j’ai dit que j’étais mineur et je l’ai certifié avec mon acte de naissance », expose-t-il par téléphone à Rue89 Bordeaux.

De retour à Bordeaux en décembre 2021, il reçoit une OQTF (obligation de quitter le territoire français). « J’ai alors précisé que j’étais hébergé à Toulouse et le foyer a envoyé mon acte de naissance à l’hôtel de police de Bordeaux », avance-t-il. Après une « bagarre », il est jugé et incarcéré quatre mois à la maison d’arrêt de Gradignan avant de faire l’objet d’une mise en rétention au Cra de Bordeaux. À ce moment-là, selon le jeune homme, la justice estime qu’il est connu sous plusieurs identités et ne prend pas en considération l’acte de naissance qui aurait été délivré à l’hôtel de police. La préfecture de la Gironde non plus.

Contactée par Rue89 Bordeaux, la préfecture de la Gironde atteste qu’une copie de l’acte de naissance du jeune camerounais, établi le 3 août 2004, est bien présente dans son dossier. Néanmoins, selon l’institution, son « authenticité n’est pas établie ».

Minorité rejetée

Défendant le cas du retenu, la Cimade avait saisi, vers la mi-juillet, le Parquet des mineurs ainsi que le Département de la Gironde pour qu’il soit pris en charge en tant que mineur, ce qui leur avait été refusé.

«  Ce document a été produit à l’audience du juge des libertés et de la détention (JLD) du 9 juillet par l’avocat du retenu. Il ne figurait pas auparavant au dossier. L’ordonnance du JLD rejette clairement la minorité du retenu lequel lors de toutes les auditions a indiqué être né le 3 août 2001  », déclare la préfecture.

L’association a également saisi le Défenseur des droits et la Cour européenne des droits de l’homme. Là aussi, aucune démarche n’a abouti.

« On sait déjà à quel point c’est difficile d’être enfermé en Cra. Mais là, pour un mineur, c’est encore plus terrible et traumatisant. Il vit entouré, au maximum, de 19 hommes adultes », dénonce Cécile Roubeix.

Quant au jeune homme, il témoigne :

« Je me sens pas bien ici, je ne suis pas dans mes états. J’ai perdu ma fierté et mon sourire. Je ne trouve même pas les mots pour décrire cet endroit… »"

Lire l’article en ligne : www.rue89bordeaux.com