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Immigration : quand l’esprit de la loi ne va pas de soi…

Publié le 24-07-2015

Source : http://www.lemonde.fr

Auteur : Maryline Baumard

Extrait :

« Quelle est la doctrine gouvernementale en matière d’accueil des étrangers ? Posée par le député Claude Goasguen (Les Républicains), cette question a hanté l’Assemblée nationale durant les quatre jours et les trois nuits qu’a duré la lecture de la proposition de loi gouvernementale sur le séjour des étrangers. A l’issue de son adoption, jeudi 23 juillet, aucune réponse ne s’impose.

La gauche française n’avait pourtant pas coutume d’être floue sur ce thème. Lors du précédent débat, en 2003, elle avait affiché des convictions fortes. En 1998 aussi puisque, à cette date, l’historien Patrick Weil avait remis au premier ministre, Lionel Jospin, un rapport structurant. On est aujourd’hui loin de cette cohérence.

Promis lors de la campagne électorale de 2012 et sans cesse repoussé, le projet de loi sur le droit des étrangers est arrivé en discussion lundi 20 juillet à l’Assemblée nationale. Ce dernier débat estival avant la fin de la session extraordinaire du Parlement aura permis aux Républicains de sentir jusqu’où ils pouvaient se rapprocher du Front national, et à la gauche de l’Hémicycle de mesurer la distance qui la sépare parfois du gouvernement. Pris en étau, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a surfé entre les pièges tendus par les deux bords pour finir par lâcher un peu de lest à sa gauche. Par pure stratégie.

Dans une mise en scène bien orchestrée, le député socialiste de l’Isère et rapporteur du texte, Erwann Binet, a donc introduit en fin de discussion un amendement imposant qu’un étranger en rétention soit présenté au bout de 48 heures et non plus de 5 jours au juge des libertés et de la détention (JLD). Réclamé par les associations, ce changement évitera les nombreux éloignements opérés en catimini sans contrôle du juge judiciaire.

Cet ajout fait pencher la loi du côté du respect des droits de l’homme et veut donner un signe, alors que, depuis l’arrivée de François Hollande à l’Elysée, la gauche régularise dans les mêmes proportions que la droite de Nicolas Sarkozy et a même organisé le renvoi d’un peu plus d’étrangers.

Geste éminemment politique

Le ministre de l’intérieur a savamment dosé sa présence-absence à ce moment-là. Il n’est pas l’auteur de cet amendement auquel il ne s’est pas opposé. Tout le jeu politique est là… C’est un geste savamment calculé qui doit être lu comme une volonté d’afficher la fin – trois ans après l’arrivée de François Hollande – d’une partie des pratiques antérieures à 2012, puisque c’est sous Nicolas Sarkozy que le délai de présentation à un juge avait été déplacé de 2 à 5 jours.

Mais arrêter sa lecture là serait pourtant une faute. En même temps qu’il répond à la partie gauche de l’Hémicycle, M. Cazeneuve durcit sa politique en facilitant le renvoi dans leur pays des déboutés du droit d’asile. La réponse à une demande forte des Républicains, notamment au moment du vote de la loi sur l’asile.

Cette stratégie du « je lâche d’un côté pour resserrer de l’autre » est un marqueur du ministre de l’intérieur. Durant toute la discussion, il s’est employé à donner des gages à la droite, en se présentant comme un chantre de la fermeté – chiffres en main – et à la gauche, en insistant sur son respect des droits de l’homme.

Le droit des étrangers, un laboratoire bien commode

Ainsi, l’instauration d’un titre de séjour pluriannuel, d’une validité de deux à quatre ans, accordée après un premier titre d’un an et permettant d’éviter aux étrangers en règle « une dizaine de passages par an en préfecture », comme l’a précisé le rapporteur, ne se lit qu’en parallèle au développement des « passeports talents » permettant une introduction politiquement acceptable à gauche d’une dose d’immigration choisie. La formule pour laquelle opte le gouvernement simplifie la venue d’étrangers qualifiés ou ayant une compétence particulière comme les artistes, les scientifiques…

Sur le sort des étrangers malades, les deux facettes du traitement du dossier sont là encore explicites. A la législation actuelle permettant à un étranger de bénéficier d’un traitement médical dont « l’absence » dans son pays pourrait entraîner pour lui « des conséquences d’une exceptionnelle gravité » va se substituer un droit de venir non seulement si le traitement est absent du pays, mais aussi si le malade ne peut pas y avoir « effectivement » accès. Mais pour encadrer cette avancée, c’est désormais l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) qui se chargera de donner un avis médical et non plus l’agence régionale de santé. Ce qui ressemble fort à une reprise en main du ministère de l’intérieur. »

Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/politique/art...