Source : http://www.tsa-quotidien.fr
Auteur : Aurélie Vion
« Face à l’augmentation croissante des jeunes migrants, le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a lancé un appel aux familles volontaires pour les accueillir au sein de leur foyer. Quatre jeunes bénéficient actuellement de ce nouveau dispositif qui doit favoriser leur intégrétion dans la société française.
Ils sont actuellement 104 alors qu’ils n’étaient qu’une vingtaine avant la circulaire Taubira du 31 mai 2013, leur nombre a même dépassé la barre des 150 fin 2015 : les mineurs isolés étrangers (MIE) augmentent de manière significative en Meurthe-et-Moselle comme dans bon nombre de départements. Mais ce territoire lorrain a choisi d’y répondre en mettant en place un dispositif inédit : le réseau JAM pour « Jeunes à la maison » s’appuie sur des familles bénévoles et volontaires pour accueillir chez elles un jeune migrant.
"Jouer le rôle de parents"
« C’est un engagement citoyen, précise tout de suite Franck Janiaut, responsable du service MIE et jeunes majeurs au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle. Il faut bien faire la distinction avec les assistants familiaux. Si les familles citoyennes perçoivent une indemnité (15,14 € par jour), ce n’est pas un métier en soi, nous leur demandons de jouer le rôle de parents, cela couvre par exemple l’aide aux devoirs, la prise de repas ensemble ou l’accompagnement à des sorties. » L’objectif affiché est de permettre à ces jeunes d’intégrer un mode de fonctionnement familial et non institutionnel. « Nous avons à faire à des personnes qui ne posent pas de grandes difficultés en terme d’intégration, qui s’investissent souvent très bien dans la scolarité », poursuit F. Janiaut. Sont écartés d’emblée : les jeunes ayant une problématique importante en terme de comportement, une pathologie lourde, non scolarisés ou ne suivant pas de formation professionnelle.
"Transmettre des valeurs fortes"
Pour Agnès Marchand, vice-présidente déléguée à l’enfance, à la famille, à la santé et au développement social, il y a « une réelle plus-value à permettre à ces jeunes d’intégrer un contexte familial car cela contribue à les insérer dans la vie locale. Les familles qui font ce choix ont envie de transmettre des valeurs fortes qui vont les aider à ce qu’ils deviennent des citoyens à part entière. Le fait également que ces jeunes migrants aient une vie ’’normale’’, intégrée sur le territoire, permet de dé-stigmatiser la problématique de l’immigration. »
21 familles retenues
En septembre dernier, un appel citoyen est lancé. Une centaine de familles répondent présent à la première réunion d’information organisée. Mais seules 21 sont aujourd’hui retenues. « Pour la très grande majorité, les familles ne connaissaient pas le cadre de la mission que nous exerçons au titre de la protection de l’enfance. Certaines familles pensaient accueillir des enfants plus jeunes ou même des familles entières. Or, plus de la moitié des jeunes que nous suivons ont 17 ans et plus », explique Franck Janiaut.
Ne pas créer de faux espoirs
Une fois le contexte d’intervention précisé, les familles toujours volontaires doivent fournir un extrait de casier judiciaire et une lettre de motivation. Une assistante sociale réalise alors une évaluation en rencontrant l’ensemble du foyer pour mesurer les conditions d’accueil et vérifier que les membres de la famille sont tous sur la même longueur d’ondes. Si l’avis est favorable, le réseau éducatif de Meurthe-et-Moselle (qui gère les foyers de l’enfance) recherche le jeune dont le profil correspond le mieux à la famille. Le chef de service et l’éducateur référent du jeune reçoivent ensuite la famille pour lui communiquer quelques éléments sur l’enfant. Et ce n’est qu’à ce moment-là que le jeune est averti de la possibilité d’intégrer une famille. « Cela peut paraître un peu tardif mais nous ne voulions pas créer de faux espoirs pour le jeune », précise Franck Janiaut. Le protocole d’accueil est alors signé pour une durée limitée (3 à 4 mois en moyenne) renouvelable avec possibilité d’être interrompu à tout moment par les deux parties.
Refus de deux jeunes
Actuellement, seuls quatre jeunes sont accueillis à temps complet au sein de ces « familles citoyennes », un cinquième devrait rejoindre le dispositif la semaine prochaine. Deux mineurs ont refusé. « Envoyés en France par leur famille pour réussir et faire des études, ils avaient le sentiment de trahir les leurs s’ils intégraient le dispositif », explique le chef de service qui reconnaît que le dispositif se peaufine au fur et à mesure. Beaucoup de questions se sont posées, d’ordre purement pratique (est-ce à la famille d’accompagner le jeune chez le médecin ? Qui prend en charge les frais de transport ?…) ou des questions de fond (comment s’assurer à distance du bien-être de l’enfant ? Qui, de la famille ou de l’éducateur, va à l’audience ?...).
Bientôt un livret d’accueil
« Nous nous sommes dits que c’est le rôle de l’éducateur car il est plus armé devant le magistrat et le garant du parcours du jeune », souligne F. Janiaut. L’une des plus grandes difficultés est pour les familles de trouver leur juste place, ce qui n’est pas évident dans un système, celui des mineurs isolés étrangers, très complexe d’un point de vue réglementaire. Un livret d’accueil faisant le point sur ce qui relève de la compétence du conseil départemental ou de la famille devrait permettre de mieux préciser le rôle de chacun. »