Résumé :
Un mineur isolé ressortissant kurde irakien, vivant dans le "camp" de Grande Synthe, tente de demander l’asile et le transfert vers le Royaume-Uni où son oncle réside régulièrement. Le mineur se voit refuser verbalement à de nombreuses reprises l’enregistrement de sa demande d’asile au motif de l’absence d’un administrateur ad hoc, ainsi que l’examen de sa minorité auprès du service d’évaluation et de mise à l’abri.
Le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article 521-2 du CJA ("référé-liberté"), retient que la condition d’urgence est satisfaite dès lors que la minorité de l’intéressé n’est pas contestée et qu’il vit dans une situation de grande vulnérabilité dans le "camp" de Grande Synthe. En outre, il considère que le refus de l’autorité préfectorale à saisir le procureur de la république aux fins de désignation d’un AAH porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile du mineur, et que son refus d’informer le conseil départemental du Nord porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants.
En conséquence, le juge des référés enjoint au préfet de saisir immédiatement le procureur de la République pour qu’il désigne un AAH afin que le mineur puisse présenter sa demande d’asile et de transfert au Royaume-Uni. Par ailleurs, il devra informer immédiatement le président du conseil départemental aux fins de mise à l’abri et d’évaluation de la situation du mineur isolé, sous peine d’une astreinte de 500 puis de 1000 euros par jour de retard.
Extraits de l’ordonnance :
« […].
4. M., de nationalité kurde irakienne, indique être né le 2 octobre 1999, être isolé en France, où il vit actuellement dans le « camp » de Grande Synthe, et vouloir demander l’asile au Royaume-Uni où son oncle, M. ; qui a obtenu le statut de réfugié puis la nationalité anglaise en 2012, réside régulièrement. Il s’est présenté le 31 août 2016 au « premier accueil assuré par l’association A.I.R », à laquelle la préfecture du Nord renvoie sur son site internet. Un refus d’enregistrement de sa demande lui a été verbalement opposé, au motif de l’absence de désignation d’un administrateur ad hoc. Il lui a égaleraient été conseillé de faire évaluer préalablement sa minorité auprès du service d’évaluation et de mise à l’abri (EMA) de Lille. S’étant rendu immédiatement auprès de ce service, M. s’est est vu opposé un refus d’examen. Par fax daté du 31 août 2016, le conseil de a informé le préfet du Nord de ces refus successifs et de ce que l’intéressé se présenterait en personne à la préfecture le lendemain. Le 1er septembre 2016, M. s’est rendu à la préfecture du Nord afin que soit mise en œuvre la procédure prévue à l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour permettre aux mineurs isolés de présenter une demande d’asile. Comme cela ressort des attestations des personnes qui l’accompagnaient, un nouveau refus lui a été verbalement opposé par la personne qui l’a reçu. Ce refus persistant place le requérant, dont il n’est pas contesté qu’il est mineur, et qui soutient sans être contredit qu’il vit dans le « camp » de Grande-Synthe, dans une situation de grande vulnérabilité. La condition d’urgence est ainsi caractérisée. En outre, alors que l’administration doit saisir immédiatement le procureur de la République, ainsi que l’exige l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ce refus constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile de M, alors que l’intéressé est isolé en France et qu’il réside actuellement dans le « camp » de Grande-Synthe, dans les conditions de précarité, d’insalubrité et d’insécurité décrites par de nombreux observateurs, l’absence d’information, par le préfet du Nord, du président du conseil départemental du Nord, afin que M. soit mis à l’abri le temps que sa situation soit évaluée et, le cas échéant, qu’il soit placé auprès du département au titre de l’aide sociale à l’enfance, a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de M. de pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants.
5. Il y a lieu, par suite, d’ordonner au préfet du Nord de saisir immédiatement le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dunkerque pour qu’il désigne un administrateur ad hoc afin que M. puisse présenter sa demande d’asile et de transfert au Royaume Uni. Le préfet du Nord devra en outre informer immédiatement le président du conseil départemental du Nord aux fins de mise à l’abri et d’évaluation de la situation de M. ; dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente ordonnance, sous peine d’une astreinte de 500 euros par jour de retard. Au-delà d’un délai de 5 jours à compter de la notification de la présente ordonnance, l’astreinte sera portée à 1 000 euros par jour de retard, jusqu’à l’entière exécution du jugement.
[…]. »
Ordonnance disponible sous format pdf ci-dessous :