Source : www.syndicat-magistrature.org/
« Monsieur le procureur de la République,
La préfète du Pas de Calais déclarait hier à la presse que le démantèlement du campement de la zone Nord de la Lande serait terminé le soir même ("On est en capacité de fermer le dispositif de sas dès ce soir. Il n’y a plus personne sur le camp. Tout le monde est à l’abri. Après la prise en charge des derniers migrants (qui arrivent au sas), le dispositif s’arrête dès ce soir", selon France info).
Cet optimisme de rigueur est malheureusement contredit par les témoignages de très nombreux militants associatifs ou simples bénévoles dont nous avons été destinataires, lesquels s’alarment notamment et légitimement de la situation de complet dénuement dans laquelle se trouvent de très nombreux mineurs isolés qui n’ont pu trouver place dans le centre d’accueil provisoire (CAP) ou en ont été refoulés dans le cadre d’une opération de « tri » à ce point arbitraire que « Médecins sans frontières » a protesté en se retirant du dispositif (ci-dessous, à titre d’illustration, l’un des messages reçus hier en fin de journée).
L’une des très nombreuses associations impliquées dans l’aide à ces mineurs isolés dénombrait à elle seule une quarantaine de mineurs sans solution d’hébergement hier soir, parmi ceux qu’elle suivait habituellement, tandis que d’autres associations faisaient le même constat pour de nombreux autres mineurs encore.
Ces témoignages et ces évaluations sont d’ailleurs corroborées par les observations des journalistes encore présents sur place hier soir, ainsi que le rapporte, par exemple, la correspondante du journal "Libération" selon laquelle "plus de 200 mineurs restent sur le carreau" (http://www.liberation.fr/france/2016/10/26/dans-la-jungle-evacuee-plus-de-200-mineurs-restent-sur-le-carreau_1524562?xtor=rss450&utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter).
Vous aurez compris, Monsieur le procureur de la République, que ne disposant plus ni des abris qu’ils occupaient dans le bidonville en cours de démantèlement ni des soutiens amicaux et militants qu’ils y trouvaient, ces enfants sont en situation de grave danger physique et psychologique.
Par un courrier du 25 octobre, dont vous étiez destinataire en copie, nous demandions à Monsieur le garde des sceaux de doter votre juridiction, dans l’urgence, des moyens exceptionnels nécessaires pour assurer une prise en charge effective de tous les mineurs isolés présents dans la Lande de Calais et ce, dans le respect des textes applicables. Si le ministre ne paraît pas avoir cru devoir y donner suite, ce que nous déplorons, il reste que les mesures d’urgence, notamment de placement provisoire, relevant de votre initiative et qu’impose la situation de ceux qui n’ont toujours pas été mis à l’abri doivent et peuvent encore être prises.
C’est pourquoi nous vous demandons instamment de prendre la mesure de la situation exceptionnelle créée par cette opération de démantèlement et de faire application des textes qui vous donnent mission d’assurer la protection de mineurs en danger.
Nous vous prions de croire, monsieur le procureur de la République à l’assurance de nos sentiments distingués.
Clarisse Taron,
Présidente »
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