Résumé :
Lors de l’évacuation du bidonville de Calais, l’autorité administrative a dispersé les mineurs isolés, sans aucune concertation avec l’autorité judiciaire et les services de l’aide sociale à l’enfance.
Plusieurs associations ont assigné la préfète du Pas-de-Calais devant le TGI de Boulogne-sur-Mer, par la voie d’un référé d’heure à heure au terme des dispositions de l’article 485 du code de procédure civile, afin de faire "cesser immédiatement la dispersion de mineurs tant que l’autorité judiciaire n’a pas été saisie en vue du placement des mineurs dans des centres d’accueil hors du département du Pas-de-Calais en application des dispositions de l’article 375 et suivants du Code civil".
Les requérants soutiennent la compétence de la juridiction judiciaire au motif que le comportement de l’autorité administrative, ayant organisé le déplacement de mineurs sans qu’ils puissent y consentir, est constitutif d’une privation de liberté au sens de l’article 66 de la Constitution, et donc d’une voie de fait. En réplique, la préfète du Pas-de-Calais conteste la compétence de la juridiction judiciaire et dépose un déclinatoire de compétence.
Le juge des référés du TGI de Boulogne-sur-Mer retient la recevabilité du déclinatoire de compétence de l’autorité préfectorale et rejette la demande des requérants en considérant que les conditions exigées pour la démonstration d’une voie de fait ne sont pas réunies.
Extraits de l’ordonnance :
« […].
Attendu que les décisions de l’Etat dont les demandeurs ne démontrent donc pas qu’elles soient insusceptibles de se rattacher à un pouvoir de police générale lui incombant, s’inscrivent dans une situation d’urgence, ayant nécessité la mise en oeuvre d’un dispositif spécifique et exceptionnel, au niveau national, précisé par une circulaire du Garde des Sceaux du 1er novembre 2016, pour l’orientation de 1600 mineurs non accompagnés dans le cadre des opérations de démantèlement de la lande de Calais ;
Attendu que le dispositif mis en œuvre par l’Etat prévoit un accueil temporaire des mineurs non accompagnés dans plusieurs centres d’accueil répartis sur le territoire national, pour une durée estimée dans la circulaire à trois mois, avant que ceux-ci ne soient orientés, soit vers le Royaume-Uni, soit vers le dispositif de protection de l’enfance de droit commun ;
Attendu que s’agissant des mineurs pour lesquels une solution d’accueil au Royaume-Uni aura été définitivement écarté, le président du conseil général du département dans lequel se situe le centre d’accueil et d’orientation, devra procéder à une évaluation qui, en cas de confirmation de la minorité et de l’isolement , sera suivie d’un signalement au procureur de la République territorialement compétent qui contactera la cellule nationale d’orientation et
d’appui à la décision de placement judiciaire et prendra, au vu des informations données par celle-ci et par le département, une ordonnance de placement provisoire dans l’intérêt de l’enfant ;
Attendu qu’il s’ensuit qu’en considération des mesures prévues dans la circulaire du Garde des Sceaux du 1er novembre 2016, confiant aux procureurs de la République le soin de contrôler le dispositif d’accueil et d’orientation des mineurs étrangers non accompagnés, la preuve n’est rapportée ni d’une atteinte à la liberté individuelle, ni d’une décision de l’administration qui soit insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative ;
Attendu que les conditions exigées pour la démonstration d’une voie de fait, n’étant pas réunies, les demandeurs doivent être renvoyés à mieux se pourvoir ;
[…]. »
Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :