Un référentiel pour l’évaluation des mineurs isolés étrangers

Source : www.localtis.info

Auteur : Jean-Noël Escudié

Date : 25 Novembre 2016

« Pris en application de la loi du 14 mars 2016 réformant la protection de l’enfance (voir notre article ci-contre du 22 mars 2016), un décret du 24 juin 2016 a précisé les conditions d’accueil, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers (MIE), ou plus précisément des "mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille" (voir notre article ci-contre du 29 juin 2016). Aujourd’hui, un arrêté du 17 novembre 2016 vient préciser les modalités de l’évaluation de ces mineurs, en établissant un référentiel national. Un sujet qui donne lieu depuis plusieurs années à des polémiques récurrentes, notamment sur la question délicate de l’évaluation de l’âge.

Mineur ou non ? Isolé ou non ?

L’arrêté du 17 novembre confirme que l’évaluation de la minorité et de l’isolement familial des personnes se déclarant mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille relève de la responsabilité du président du conseil départemental. Elle se compose d’une évaluation sociale et, le cas échéant, "d’investigations complémentaires".

En pratique, l’évaluation sociale est assurée par les services du département - en l’occurrence l’aide sociale à l’enfance (ASE) - ou par "toute structure du secteur public ou du secteur associatif à laquelle la mission d’évaluation a été déléguée par le président du conseil départemental". Les évaluateurs doivent justifier d’une formation ou d’une expérience notamment en matière de connaissance des parcours migratoires et de géopolitique des pays d’origine, de psychologie de l’enfant et de droit des mineurs.

L’évaluation doit être réalisée dans une langue comprise par l’intéressé, au besoin avec l’aide d’un interprète "faisant preuve de neutralité vis-à-vis de la situation". L’intéressé doit également être clairement informé des objectifs et des modalités de l’évaluation, "qui doit être une démarche empreinte de neutralité et de bienveillance".

Un entretien en six points

L’évaluateur doit analyser la cohérence des éléments recueillis au cours d’un ou de plusieurs entretiens, "si nécessaire en demandant le concours de professionnels d’autres spécialités ou en effectuant des vérifications auprès de particuliers concernés". Ces éléments constituent "un faisceau d’indices qui permet d’apprécier si la personne est un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille".

Le référentiel détaille les éléments et points d’attention qui doivent guider l’évaluation. Il précise en particulier les six points sur lesquels doit porter l’entretien et qui doivent ensuite structurer le rapport d’évaluation : état civil, composition familiale, présentation des conditions de vie dans le pays d’origine, exposé des motifs de départ du pays d’origine et présentation du parcours migratoire de la personne jusqu’à l’entrée sur le territoire français, conditions de vie de la personne depuis son arrivée en France et, enfin, projet de la personne.

Dans son rapport, l’évaluateur rend "un avis motivé" sur la minorité ou la majorité et le caractère d’isolement familial ou non de l’intéressé. Si des doutes sur l’âge subsistent, l’évaluateur doit l’indiquer dans son rapport. Ce dernier, ainsi que l’avis motivé, sont alors transmis au président du conseil départemental.

Des examens radiologiques osseux, mais sous contrôle

Celui-ci "apprécie la nécessité, selon les cas", soit d’une transmission aux services chargés de la lutte contre la fraude documentaire des documents d’identification produits par la personne évaluée s’il estime qu’ils pourraient être irréguliers, falsifiés ou que des faits qui y sont déclarés pourraient ne pas correspondre à la réalité, soit d’une saisine de l’autorité judiciaire aux fins d’assistance éducative ou en vue de procéder aux investigations complémentaires.

Celles-ci, prévues par l’article 388 du code civil, comprennent notamment les "examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable". Longtemps très contestés pour leur pratique "sauvage", ces examens ne peuvent désormais être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé.

Selon les résultats de l’évaluation, deux cas de figure sont possibles. Si l’intéressé est reconnu comme mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, il bénéficie des dispositions relatives à la protection de l’enfance. Dans le cas contraire, le président du conseil départemental lui notifie une décision motivée de refus de prise en charge, mentionnant les voies et délais de recours applicables. L’intéressé doit également être alors informé sur les droits reconnus aux personnes majeures, notamment en matière d’hébergement d’urgence, d’aide médicale, de demande d’asile ou de titre de séjour. »

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