Résumé :
Plusieurs associations demandent au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015 relatif à l’allocation pour demandeur d’asile. Les requérants soutiennent que le décret est contraire à la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.
Le Conseil d’Etat annule le décret en tant que son article 2 ne fixe pas au dernier alinéa de l’annexe 7-1 du CESEDA un montant journalier additionnel suffisant pour permettre aux demandeurs d’asile adultes ayant accepté une offre de prise en charge et auxquels aucune place d’hébergement ne peut être proposée de disposer d’un logement sur le marché privé de la location.
Concernant le moyen relatif aux dispositions du décret attaqué excluant les demandeurs d’asile mineurs du bénéfice de l’allocation pour demandeur d’asile, celui-ci a été écarté. Le Conseil d’Etat considère qu’elles ne méconnaissent ni les objectifs de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ni l’article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, dès lors que les mineurs étrangers qui sollicitent l’asile et qui sont privés de la protection de leur famille doivent être pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance.
Extraits :
« […]
1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, créé par l’article 23 de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile : « Le demandeur d’asile qui a accepté les conditions matérielles d’accueil proposées en application de l’article L. 744-1 bénéficie d’une allocation pour demandeur d’asile s’il satisfait à des conditions d’âge et de ressources. L’Office français de l’immigration et de l’intégration ordonne son versement dans l’attente de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l’asile ou jusqu’à son transfert effectif vers un autre Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile (…)/ Un décret définit le barème de l’allocation pour demandeur d’asile, en prenant en compte les ressources de l’intéressé, son mode d’hébergement et, le cas échéant, les prestations offertes par son lieu d’hébergement. Le barème de l’allocation pour demandeur d’asile prend en compte le nombre d’adultes et d’enfants composant la famille du demandeur d’asile et accompagnant celui-ci./ Ce décret précise, en outre, les modalités de versement de l’allocation pour demandeur d’asile » ; que l’association La Cimade, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, l’association groupe accueil et solidarité, l’association Dom’Asile et le Groupe d’information et de soutien des immigrés demandent l’annulation du décret du 21 octobre 2015 pris pour l’application de ces dispositions ;
En ce qui concerne les demandeurs d’asile mineurs :
2. Considérant que l’article D. 744-18 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, issu de l’article 1er du décret attaqué, prévoit que : « Pour bénéficier de l’allocation pour demandeur d’asile, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article D. 744 17 doivent être âgées de dix-huit ans révolus » ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale : « 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils présentent leur demande de protection internationale./ 2. Les États membres font en sorte que les mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil assurent aux demandeurs un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale./ Les États membres font en sorte que ce niveau de vie soit garanti dans le cas de personnes vulnérables, conformément à l’article 21 » ; qu’aux termes de l’article 21 de cette directive : « Dans leur droit national transposant la présente directive, les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine » ; qu’aux termes de l’article 23 de la même directive : « 1. L’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale pour les États membres lors de la transposition des dispositions de la présente directive relatives aux mineurs. Les États membres garantissent un niveau de vie adéquat pour le développement physique, mental, spirituel, moral et social du mineur » ;
4. Considérant qu’aux termes de l’article 375 du code civil : « Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public (…) » ; que l’article 375-3 de ce code prévoit que : « Si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier :/ (…) 3° A un service départemental de l’aide sociale à l’enfance (…) » ; que l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que : « Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes :/ (…) 4° Pourvoir à l’ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 222-5 du même code : « Sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance sur décision du président du conseil départemental : (…)/ 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l’article 375-3 du code civil (…) » ;
5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’il incombe au service de l’aide sociale à l’enfance des départements de prendre en charge l’hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs étrangers qui sollicitent l’asile et sont privés de la protection de leur famille ; que, par suite, l’exclusion des demandeurs d’asile mineurs du bénéfice de l’allocation pour demandeur d’asile, prévue par le décret attaqué, ne méconnaît pas les objectifs de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que cette exclusion ne peut davantage être regardée comme contraire à l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;
[…]. »
Décision en format pdf à retrouver ci-dessous :