Exclusion des demandeurs d’asile mineurs isolés du bénéfice de l’allocation pour demandeur d’asile

Source : www.dalloz.fr

Auteur : Xavier Domino, Rapporteur public

Date : 6 février 2017

Revue : Actualité Juridique Droit Administratif (AJDA) 2017, p.238

« Cette affaire est le deuxième chapitre de la bataille contentieuse qu’ont engagée plusieurs associations - la CIMADE, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, l’association Groupe accueil et solidarité, l’association Dom’asile et le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) - contre les décrets d’application de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 portant réforme de l’asile, que le législateur a adoptée notamment pour transposer la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (ci-après « directive Accueil »), qui encadre désormais les conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans les Etats membres de l’Union européenne.

Par deux décisions du 20 octobre dernier, vous avez déjà examiné, et rejeté, deux recours des mêmes associations contre deux autres décrets d’application de la même loi (CE 20 oct. 2016, nos 395105 et 394964, La CIMADE, AJDA 2016. 2358).

C’est aujourd’hui le décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015 relatif à l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) que vous examinerez.

[...]

La requête soulève pas moins de sept moyens, dont plusieurs sont délicats, à commencer par le premier d’entre eux.

Exclusion des mineurs isolés du bénéfice de l’ADA

Il est tiré de ce que en excluant les demandeurs d’asile mineurs isolés du bénéfice de l’ADA, le décret attaqué méconnaît les objectifs de la directive Accueil ainsi que les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant.

Le législateur, par l’article L. 744-9 du CESEDA, issu de l’article 23 de la loi du 29 juillet 2015, a posé le principe selon lequel le bénéfice de l’ADA était soumis à « des conditions d’âge et de ressources [...] ».

Et c’est l’article D. 744-18 de ce code, introduit par le décret attaqué, qui précise que « pour bénéficier de l’allocation pour demandeur d’asile, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article D. 744-17 doivent être âgées de dix-huit ans révolus ».

Seuls les mineurs isolés sont ici concernés par la critique puisque le montant de l’ADA étant modulé en fonction de la composition du foyer, il prend nécessairement en compte les mineurs, sauf ceux qui sont isolés et ne disposent donc pas d’un foyer de rattachement.

Le premier paragraphe de l’article 23 de la directive Accueil prévoit que « l’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale pour les Etats membres lors de la transposition des dispositions de la présente directive relatives aux mineurs. Les Etats membres garantissent un niveau de vie adéquat pour le développement physique, mental, spirituel, moral et social du mineur ».

Jamais la directive n’exclut de la définition des demandeurs d’asile les mineurs, et vous jugez vous-mêmes que des mineurs peuvent demander et obtenir l’asile (CE, sect., 9 juill. 1997, n° 145518, Mlle Kang, Lebon ; AJDA 1997. 906, concl. M. Denis-Linton ; RTD civ. 1997. 908, obs. J. Hauser).

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans un arrêt du 27 février 2014, Federaal agentschap voor de opvang van asielzoekers c/ Selver Saciri (aff. C-79/13, AJDA 2014. 479 ; AJDI 2015. 752, étude F. Zitouni ; RDSS 2014. 471, note J.-P. Lhernould ; RTD eur. 2015. 167, obs. F. Benoît-Rohmer), a jugé que « dans le cadre de la fixation des conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières, les Etats membres ont, en application des dispositions de l’article 13, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2003/9 [que la directive Accueil de 2013 a refondue], l’obligation d’adapter ces conditions d’accueil à la situation des personnes ayant des besoins particuliers, visées à l’article 17 de cette directive. Dès lors, les allocations financières doivent être suffisantes pour préserver l’unité familiale ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant, lequel, en vertu des dispositions de l’article 18, paragraphe 1, de ladite directive, constitue une considération primordiale ».

Il découle de ces dispositions que le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile doit garantir aux enfants mineurs isolés des conditions d’accueil au moins aussi favorables que celles dont bénéficient les demandeurs d’asile majeurs.

Mais si les mineurs isolés sont exclus du dispositif de l’ADA, ils relèvent d’autres dispositifs de protection, lesquels sont de nature à leur garantir des conditions d’accueil pleinement conformes à la directive Accueil ainsi qu’aux stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant.

D’une part, ils sont pris en charge par le dispositif de la protection de l’enfance, dans le cadre du protocole entre l’Etat et les département signé le 31 mai 2013 relatif à la mise à l’abri, l’évaluation et l’orientation des mineurs isolés étrangers.

D’autre part, ils peuvent bénéficier des prestations d’aide sociale à l’enfance, lesquelles, en vertu de l’article L. 111-2 du CASF, « peuvent être accordées au bénéfice des demandeurs d’asile ».

Cette prise en charge nous paraît mieux adaptée pour des mineurs. Elle respecte mieux les dispositions de l’article 24 de la directive qui prévoit le placement des mineurs non accompagnés dans des centres spécialisés dans l’hébergement des mineurs.

Vous pourrez donc écarter le moyen, comme vous l’aviez fait en référé pour l’ATA (CE, ord., 3 août 2015, n° 392252, D. 2016. 336, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot).

Les modalités de versement de l’ADA

[...]

Le montant de l’ADA

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Une allocation inférieure au montant du RSA

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Une allocation inférieure au prix moyen d’un logement dans le parc privé

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Une annulation différée dans le temps

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La prise en compte des services du lieu d’hébergement

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Conformité des conditions d’accueil au droit de l’UE

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La question de la suspension du versement de l’ADA

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Pas de rupture d’égalité entre les demandeurs hébergés et les autres

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Le cas de Mayotte »

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