Résumé :
Un mineur isolé ressortissant camerounais saisit le juge des enfants suite à un refus d’admission au service de l’ASE par le président du conseil départemental. Il saisit par ailleurs le tribunal administratif afin de demander une mise à l’abri.
Le juge des référés du tribunal administratif, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA ("référé-liberté") relève que l’intéressé produit un extrait de son acte de naissance, reconnu authentique par les services de la fraude documentaire. Les arguments du département fondés sur les conclusions d’une évaluatrice suite à un entretien avec le mineur ne parviennent pas à remettre en cause la présomption de minorité. En outre, le tribunal administratif reconnait une urgence impérieuse compte tenu de la situation d’isolement de l’intéressé et des conditions précaires dans lesquelles il est contraint de vivre. En conséquence, le refus du département de le mettre à l’abri caractérise une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Il est enjoint au département de proposer au mineur isolé une solution d’hébergement dans un délai de 24 heures.
Extraits :
« […].
6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. B a produit auprès des services du département de Maine-et-Loire chargés de la prise en charge des mineurs étrangers isolés, un extrait de son acte de naissance du centre d’état civil de Bonabéri Douala mentionnant une date de naissance au 9 mai 2000 ; que pour mettre en cause la validité de cet acte, dont il n’est pas contesté à la barre par le département de Maine-et-Loire qu’il a été reconnu authentique après expertise par les services de la fraude documentaire de la police aux frontières, la collectivité défenderesse se prévaut d’une part des conclusions d’une évaluatrice au service « enfance en danger » à l’issue d’un entretien avec le requérant le 16 décembre 2016 estimant que « la posture, l’attitude et l’apparence de B ne permettent pas de considérer l’âge allégué de 16 ans et 7 mois, M. semble avoir davantage aux alentours de 25 ans. » et, d’autre part, lors des échanges à la barre de l’impossibilité de rattacher directement l’acte de naissance, établi au Cameroun, au requérant ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que, malgré l’expertise effectuée par les services compétents, l’inexactitude des éléments d’information portées sur l’acte de naissance du requérant aurait été établie, notamment en ce qui concerne la date de naissance du requérant ; que les seuls constats rappelés ci-dessus, effectués par un évaluateur, en l’absence d’autres éléments permettant d’en corroborer le contenu, ne sont pas à eux seuls de nature à établir que la date de naissance du requérant serait antérieure de plus de huit ans à celle indiquée sur l’acte de naissance, de sorte qu’en l’état de l’instruction, le département ne peut être regardé comme étant parvenu à remettre en cause la présomption de ce que M. B aurait un âge lui permettant d’entrer dans le champ d’application de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles ;
7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. B est seul, sans famille connue, dépourvu de toute ressource et vit dans des conditions très précaires ; que M. B justifie se trouver dans une situation de vulnérabilité et de détresse ; qu’il fait état pour démontrer l’urgence de sa situation, de risques sanitaires et sécuritaires résultant de la précarité de sa situation et de sa vulnérabilité en qualité de mineur isolé dépourvu de ressources obligé de s’abriter dans un squat en compagnie d’adultes ; que ces éléments suffisent en l’espèce à caractériser une urgence impérieuse ;
8. Considérant que le requérant se trouve ainsi dans une situation dans laquelle, à défaut pour lui d’obtenir une prise en charge effective par le département de Maine-et-Loire , il se voit contraint de vivre à la rue, seul, dans une situation de précarité et de vulnérabilité extrême ; que ce faisant, ses besoins les plus élémentaires ne sont pas satisfaits ; que dans ces conditions, le refus du département de Maine-et-Loire de mettre M. B à l’abri sur le fondement des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles caractérise une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, susceptible de justifier l’intervention du juge des référés sur ce fondement ;
9. Considérant que, par suite, il y a lieu, dans les circonstances particulières de l’espèce, d’enjoindre au département de Maine-et-Loire de proposer à M. B une solution d’hébergement, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu’il soit besoin de prononcer une astreinte ;
[…]. »
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