Tribunal administratif de Lille – Ordonnance n°1702101 du 13 mars 2017 – Référé-liberté – La non remise d’une attestation de demande d’asile est constitutive d’une situation d’urgence et entraîne une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale – L’absence de mise à l’abri par les autorités du département porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale – L’OFII est enjoint de procéder à l’évaluation de la vulnérabilité du mineur, dès qu’il aura reçu son attestation de demande d’asile

Résumé :

Un mineur isolé ressortissant afghan, isolé et sans ressource au camp de Grande-Synthe, ayant de la famille souhaitant le prendre en charge au Royaume-Uni, dépose une demande d’asile et une demande de prise en charge par la France au Royaume-Uni auprès de l’autorité préfectorale. Il ne reçoit aucun récépissé de sa demande d’asile.

Le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA ("référé-liberté"), retient que la non remise d’une attestation de demande d’asile caractérise une carence qui, par ses conséquences, est constitutive d’une situation d’urgence et entraîne une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale. Il est enjoint au préfet de délivrer au mineur isolé une attestation de demande d’asile, ainsi qu’une information dans sa langue sur son droit d’asile et son droit de demander la protection internationale, dans un délai de 3 jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard.

Le tribunal ajoute qu’une telle attestation est nécessaire afin que les autorités puissent évaluer la vulnérabilité du requérant et qu’il puisse être mis à l’abri. Par ailleurs, il constate que les autorités du département ont porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en refusant de mettre à l’abri le mineur isolé. Il est enjoint au département de procéder à la mise à l’abri du mineur sous un délai de 3 jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard.

Enfin, le juge conclut également à une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale portée par l’OFII Il est enjoint au directeur territorial de l’OFII d’évaluer la vulnérabilité dès qu’il aura reçu son attestation de demande d’asile.

Extraits :

« […].

Sur les demandes d’injonction au préfet du Nord :

6. Par sa requête, M. demande qu’il soit enjoint au préfet du Nord de le convoquer dans les locaux de la préfecture afin d’enregistrer sa demande d’asile dans un délai de trois jours ouvrés. Au regard de l’enregistrement de la demande d’asile du requérant, la condition d’urgence impérieuse n’apparait pas satisfaite ; et il n’y pas lieu de faire droit à cette demande. Néanmoins, la demande d’injonction visant la délivrance d’une attestation de demande d’asile doit être accueillie, la non remise d’une telle attestation caractérise en effet une carence qui, par ses conséquences, est constitutive d’une situation d’urgence et entraîne une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale, ce d’autant qu’une telle attestation s’avère nécessaire afin que, d’une part, la vulnérabilité du requérant puisse être évaluée par les autorités ou organismes compétents et, d’autre part, qu’il soit procédé à sa mise à l’abri. Ainsi, il y a lieu d’enjoindre au préfet du Nord de délivrer à M. d’une part, une attestation de demande d’asile, d’autre part, l’information sans délai et dans sa langue sur son droit d’asile et son droit de demander la protection internationale, sous un délai de trois (3) jours avec une astreinte de cent (100) euros par jour de retard, à compter de la date de notification de la présente ordonnance ;

[…].

Sur les demandes d’injonction visant le département du Nord :

10. n résulte de l’instruction, et cela n’est pas contesté par le département du Nord, que M. s’est rendu, à deux reprises, l’une avant qu’il ne dépose une demande d’asile à la préfecture, l’autre après, auprès du dispositif départemental « Evaluation Mise à l’Abri » ; il lui a été, à deux reprises, refusé une mise à l’abri ;

11. M. demande qu’il soit enjoint au département du Nord d’évaluer sa situation, de procéder à sa mise à l’abri immédiate et de l’informer sur ses droits d’asile et à la réunification familiale. Bien qu’il soit regrettable qu’il ait attendu d’être saisi d’une requête en référé-liberté avant d’appréhender l’évaluation de la situation du requérant, le département du Nord a, au cours de l’audience publique, indiqué qu’une réunion à fin d’évaluer la situation du requérant était prévue le 13 mars 2017, et dès lors la condition d’urgence impérieuse n’apparait donc pas satisfaite . Il n’y a donc pas lieu de donner suite à cette demande de même que celle tendant à ce qu’il soit enjoint au département du Nord d’informer M. de ses droits à l’asile et à la réunification familiale, ces informations devant être données durant l’évaluation de sa situation le 13 mars 2017. Néanmoins, compte tenu d’une part, que la demande d’asile du requérant a été enregistrée, sa présence sur le territoire français devenant ainsi régulière et, d’autre part, qu’eu égard à sa qualité de mineur et aux conditions de vie, précaires, dans le camp de la linière de la commune de Grande Synthe, il encourt d’importants risques quant à son intégrité morale et physique, les conclusions portant sur une mise à l’abri rapide doivent être accueillies. La circonstance que le dispositif en cause serait saturé n’est pas de nature, à elle seule, à priver M., de son droit d’accès à ce dispositif et il est donc enjoint au département du Nord de procéder à sa mise à l’abri sous un délai de trois (3) jours avec une astreinte de cent (100) euros par jour de retard à compter de la date de notification de la présente ordonnance par jour de retard à compter de la date de notification de la présente ordonnance ;

[…].

Sur les demandes d’injonction dirigées contre l’Office français de l’immigration et de l’intégration :

13. Il résulte de cette disposition qu’il incombe à l’Office français de l’immigration et de l’intégration de procéder à l’évaluation de la vulnérabilité du mineur étranger demandeur d’asile afin de déterminer ses besoins particuliers en matière d’accueil ; sans la circonstance d’un demandeur d’asile, mineur, seul et sans ressources, vivant dans des conditions précaires, au risque pour lui d’être exposé à (des traitements inhumains ou dégradants, une carence dans l’accomplissement de cette mission entraînerait des conséquences graves pour le mineur intéressé portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;

14. M. demande qu’injonction soit faite au directeur territorial de l’Office français de l’immigration et de l’intégration d’évaluer sa vulnérabilité et de déterminer ses besoins particuliers en matière d’accueil, la demande tendant à ce qui lui soit fournie des conditions matérielles d’accueil devant être rejetée en ce qu’elle est mal dirigée. Il n’appartient pas à
l’office français de l’immigration et de l’intégration de fournir des conditions matérielles d’accueil. Cependant, en l’espèce, il convient d’enjoindre à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dès que M. aura reçu son attestation de demande d’asile de la part du préfet du Nord, de procéder à l’évaluation de sa vulnérabilité sous un délai de trois (3) jours sans adjonction d’une astreinte.

[…]. »

Ordonnance disponible sous format pdf ci-dessous :

TA Lille_13032017_GrandeSynthe_MIE
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