Résumé :
Un mineur isolé ressortissant malien voit sa prise en charge au titre de l’accueil provisoire d’urgence prendre fin suite à des doutes sérieux sur sa minorité émis par le responsable du service des mineurs isolés et d’un examen clinique concluant à un âge supérieur à 18 ans. Le juge des enfants a été saisi pour l’ouverture d’une assistance éducative et un placement provisoire d’urgence.
Par ailleurs, le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article 521-2 du CJA ("référé-liberté"), relève que le mineur présente un extrait d’acte de naissance dont l’authenticité n’a pas été formellement écartée par une expertise des services de la fraude documentaire de la PAF. Le département se fonde exclusivement sur les résultats des tests osseux qui peuvent comporter une certaine marge d’erreur et sur des doutes du responsable du service d’accueil reposant sur l’entretien d’évaluation. Le juge des référés retient que le département n’est pas parvenu à remettre en cause la présomption de l’article 47 du code civil et l’enjoint de reprendre en charge le mineur jusqu’à la décision du juge des enfants.
Extraits :
« […].
8. Considérant que, pour refuser de poursuivre la prise en charge de M. au titre de l’aide sociale à l’enfance, le président du conseil départemental se fonde sur des doutes sérieux quant à la minorité de l’intéressé ;
9. Considérant qu’aux termes de l’article 47 du code civil : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. » ; que ces dispositions posent une présomption de validité des actes d’état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays ; que, cependant, cette circonstance n’interdit pas aux autorités françaises de s’assurer de l’identité de la personne qui se prévaut de cet acte ; que, par ailleurs, il incombe à l’administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;
10. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. a produit auprès des services du département de Meurthe-et-Moselle chargés de la prise en charge des mineurs étrangers isolés, un extrait de son acte de naissance du centre d’état civil Korofina mentionnant une date de naissance au 20 novembre 2000 ainsi que la copie du volet n° 3 de cet acte de naissance n° 501 mentionnant cette même date ; que pour mettre en cause la validité de cet acte, dont l’authenticité n’a pas été formellement écartée à la date de la présente ordonnance par une expertise des services de la fraude documentaire de la police aux frontières, le département de Meurthe-et-Moselle se fonde sur les conclusions de l’examen médico-légal réalisé le 21 avril 2017 ; qu’il n’est toutefois pas contestable que, comme le souligne le requérant, les résultats des tests osseux peuvent comporter une certaine marge d’erreur ; que le département se prévaut également des doutes du responsable du service d’accueil des mineurs isolés face au comportement de M. doutes reposant sur un entretien qu’il a eu avec l’intéressé le 4 mai 2017 et dont il ressort, notamment que « il affirmait des incohérences avec aplomb, n’hésitait pas à couper la parole aux adultes qui échangeaient avec lui, ce qui ne correspond pas à l’attitude d’un africain mineur vis-à-vis de personnes adultes » ; que, toutefois, le rapport d’évaluation établi le 16 mars 2017 par la responsable adjoint du même service d’accueil des mineurs isolés étrangers et une éducatrice spécialisée concluait, à l’inverse que « au regard de son apparence physique, il semble que les 17 ans allégués au 20 novembre 2017 soit (sic) en adéquation. M. se montre très sérieux et respectueux tout au long de l’entretien » ; que ni les conclusions de l’examen médico-légal, ni les rapports contradictoires du service d’accueil des mineurs isolés, compte tenu de leur imprécision et de leur subjectivité, ne sont de nature à établir que la date de naissance du requérant serait antérieure à celle indiquée sur l’acte de naissance, de sorte qu’en l’état de l’instruction, le département ne peut être regardé comme étant parvenu à remettre en cause la présomption de ce que M. aurait un âge lui permettant d’entrer dans le champ d’application de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles ;
11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en mettant fin à la prise en charge de M. qui est complètement isolé en France, en situation de très grande vulnérabilité et dont l’état de santé nécessite des soins, le département de Meurthe-et-Moselle a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, constitutive d’une situation d’urgence ; qu’il y a lieu, en conséquence, d’enjoindre au département de Meurthe-et-Moselle de reprendre en charge le requérant au titre de l’aide sociale à l’enfance, dans l’attente de la décision du juge des enfants, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu’il soit besoin de prononcer une astreinte ;
[…]. »
Ordonnance disponible ci-dessous en format pdf :