Tribunal administratif de Nancy – Ordonnance n°1700643 du 16 mars 2017 – Suspension de la décision portant rupture du contrat jeune majeur – Le seul défaut de dépôt d’une demande d’asile par le jeune majeur ne peut légalement justifier l’interruption de l’aide provisoire jeune majeur et est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée

Résumé :

Un jeune majeur ressortissant arménien, ayant été pris en charge par le département en qualité de mineur isolé au titre de l’ASE et bénéficiant d’un contrat jeune majeur à sa majorité, a vu son aide provisoire jeune majeur prendre fin au motif qu’il n’avait pas déposé une demande d’asile.

Le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article 521-1 du CJA ("référé-suspension") suspend l’exécution de la décision du président du conseil départemental portant rupture du contrat jeune majeur. Le tribunal administratif retient que le département ne pouvait conditionner l’octroi de l’aide provisoire jeune majeur au seul dépôt d’une demande d’asile alors que le jeune majeur pouvait demander sa régularisation administrative sur un autre fondement. Alors même que l’intéressé s’était engagé à déposer une demande d’asile lors de la conclusion du contrat jeune majeur, le seul défaut de dépôt de cette demande ne peut légalement justifier l’interruption de l’aide et est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de rupture du contrat jeune majeur.

Par ailleurs, le juge des référés relève que le jeune majeur est inscrit dans une formation en vue d’obtenir un CAP et est dépourvu d’attaches familiales en France et de toutes ressources. C’est en ce sens qu’il considère que la condition d’urgence est satisfaite en l’espèce.

Extraits :

« […].

4. Considérant que M. a, comme il a été rappelé au point 1, été pris en charge dès son arrivée en France, a bénéficié d’un hébergement et d’une aide financière en tant que mineur puis en qualité de jeune majeur ; qu’au regard d’une part, du tait que M. est dépourvu d’attaches familiales en France et de toutes ressources et d’autre part, de la situation de saturation des hébergements d’urgence, l’exécution de la décision contestée, intervenue alors que le requérant est inscrit dans une formation en vue d’obtenir un CAP, va
nécessairement placer l’intéressé dans une situation d’extrême précarité rendant particulièrement difficile le suivi de sa formation, préjudiciant de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation ; que la condition d’urgence prescrite par les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative précitées est par suite remplie ;

[…].

6. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles qu’alors même que l’intéressé remplit les conditions d’âge et de situation sociale susmentionnées, le président du conseil général n’est pas tenu d’accorder ou de maintenir le bénéfice de la prise en charge par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance, mais dispose d’un pouvoir d’appréciation ; qu’il peut fonder sa décision, sous le contrôle du juge administratif, sur d’autres critères que ceux indiqués dans les dispositions précitées ;

7. Considérant que le président du conseil départemental a subordonné la conclusion du contrat jeune majeur n°2 notamment au dépôt par M. d’une demande d’asile ; que toutefois, si le défaut de démarche de régularisation, faisant obstacle à toute perspective d’insertion, peut être une condition du bénéfice de l’aide proposée par le département, ce dernier ne pouvait imposer l’octroi de l’aide au seul dépôt d’une demande d’asile alors qu’il était possible à M. de demander sa régularisation sur un autre fondement en demandant un titre de séjour, ce qu’il avait d’ailleurs fait en avril 2016 ; que dans ces conditions, alors même que le requérant s’y était engagé, le seul défaut de dépôt d’une demande d’asile ne pouvait légalement justifier l’interruption du contrat ; que par suite, le moyen tiré de l’erreur de droit dont est entachée la décision attaquée est de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ;

[…]. »

Ordonnance disponible ci-dessous en format :

TA Nancy – Ordonnance n°1700643 du 16 mars 2017
Retour en haut de page