Tribunal administratif de Lille – Ordonnance n°1704227 du 19 mai 2017 – Réunification familiale pour un mineur isolé demandeur d’asile souhaitant rejoindre sa famille au Royaume-Uni – La remise de brochures sur les droits des mineurs demandeurs d’asile rédigées en français à un mineur qui ne s’exprime qu’en langue kurde porte une atteinte grave et manifestement illégale aux droits procéduraux – L’absence de renouvellement d’une attestation de demande d’asile caractérise une carence constitutive d’une situation d’urgence et entraîne une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale

Résumé :

Un mineur isolé, kurde irakien, dépose une demande d’asile auprès de la préfecture ainsi que les documents nécessaires à une demande afin de pouvoir se rendre retrouver sa famille, résidant au Royaume-Uni. Les autorités britanniques ont été saisies d’une demande de réunification familiale et l’instruction de la demande d’asile est toujours en cours.

Le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article 521-2 du CJA ("référé-liberté"), retient que le préfet a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux droits procéduraux qui sont la condition d’un exercice effectif du droit constitutionnel d’asile en remettant des brochures censées informer le mineur sur ses droits, rédigées en français, alors le mineur ne s’exprimait qu’en langue kurde. Le tribunal administratif enjoint au préfet de remettre au mineur une information complète et dans sa langue sur son droit d’asile et son droit de demander la protection internationale.

En outre, dès lors que l’autorité préfectorale n’a pas remis une attestation d’asile au mineur lors du dépôt de sa demande, le juge retient une carence qui, par ses conséquences, est constitutive d’une situation d’urgence et entraîne une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale. Il est enjoint au préfet de délivrer une nouvelle attestation de demande d’asile au mineur demandeur d’asile.

Extraits :

« […].

8. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte des dispositions de l’article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 que le demandeur d’asile auquel l’administration entend faire application de ce règlement doit se voir remettre dès le début de la procédure, par écrit et dans une langue qu’il comprend, une information complète sur ses droits ; que cette information, qui doit comprendre l’ensemble des informations prévues au paragraphe 1 de l’article 4 du règlement, est communiquée au demandeur par la remise de la brochure commune prévue au paragraphe 3 du même article dont le contenu a été détaillé dans l’annexe X du règlement d’exécution (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014, ainsi que par la remise de la brochure destinée aux enfants non accompagnés dont le contenu a été détaillé dans l’annexe XI du même règlement d’exécution ; qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction que les brochures qui ont été remises à M. le 17 mars 2017, sont rédigées en français, alors qu’il est constant que l’intéressé ne s’exprime qu’en langue kurde ; que M. est, par suite, fondé à soutenir qu’il a été porté une atteinte grave et manifestement illégale aux droits procéduraux qui sont la condition d’un exercice effectif du droit constitutionnel d’asile ; qu’il y a lieu, dès lors, d’enjoindre au préfet du Nord de remettre à M. une information complète et dans sa langue sur son droit d’asile et son droit de demander la protection internationale, sous un délai de trois (3) jours avec une astreinte de cent (100) euros par jour de retard, à compter de la date de notification de la présente ordonnance ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu’en application des dispositions de l’article L. 741-1 du code de justice administrative dont il ressort que : « Lorsque l’enregistrement de sa demande d’asile a été effectué, l’étranger se voit remettre une attestation de demande d’asile » il incombe à l’autorité préfectorale, sur laquelle pèse une obligation particulière lorsqu’un mineur étranger sollicite l’agile, de lui délivrer la preuve d’une telle demande par le biais d’une attestation ainsi que de t’informer de ses droits en matière d’asile et de protection internationale, notamment pour lui permettre, le cas échéant, d’exercer ses droits au recours mais surtout, s’agissant d’un mineur étranger, seul et sans ressources, une mise à l’abri ainsi que la fourniture de ses besoins particuliers en matière d’accueil par les autorités ou organismes compétents ; que la non remise d’une telle attestation caractérise une carence qui, par ses conséquences, est constitutive d’une situation d’urgence et entraîne une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale ; qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction que si, en exécution de l’injonction prononcée à son encontre par le juge des référés dans son ordonnance du 13 mars 2017, le préfet du Nord a délivré à M. une attestation de demande d’asile, cette dernière n’était valable que jusqu’au 16 avril 2017 ; que, par suite, dans la mesure où, comme il a été dit au point 7, l’instruction de la demande présentée par M. est toujours en cours, il y a lieu d’enjoindre au préfet du Nord de délivrer à l’intéressé une nouvelle attestation de demande d’asile, sous un délai de trois (3) jours avec une astreinte de cent (100) euros par jour de retard, à compter de la date de notification de la présente ordonnance ;

[…]. »

Ordonnance disponible en format pdf ci-dessous :

TA Lille – Ordonnance n°1704227 du 19 mai 2017
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