Cour d’appel de Nancy – Chambre spéciale des mineurs – Arrêt 17/00617 du 08 septembre 2017 – Minorité reconnue – La production par un mineur se disant initialement congolais d’un passeport angolais est cohérent avec le récit du parcours d’exil de l’intéressé – Raisons de douter de l’identité sous laquelle le jeune homme est entré au Portugal puis arrivé en France

Résumé :

L’ASE refuse de poursuivre la prise en charge d’un mineur isolé ressortissant congolais au motif que lors de son passage à la borne Visabio, il est apparu qu’il était entré en France sous l’identité d’un majeur. L’intéressé a saisit le juge des enfants qui a maintenu le placement jusqu’à la date de sa majorité. Le Procureur de la République a fait appel du jugement.

La Cour d’appel retient que la production d’un passeport angolais est cohérent avec le récit du parcours de l’intéressé. Par ailleurs, elle relève un certain nombre d’incohérences et conclut qu’il existe des raisons de douter de l’identité de l’intéressé donc de le considérer comme mineur et de retenir l’identité qu’il revendique comme étant la sienne.

Extraits :

« […].

La Cour rappelle que l’évaluation de la minorité s’appuie sur la combinaison d’un faisceau d’indices au rang desquels figurent des entretiens avec le mineur conduits avec un personnel qualifié et la vérification des documents d’état civil qu’il détient sur le fondement de l’article 47 du code civil et que, si le doute persiste et seulement dans ce cas, il doit y avoir recours à l’expertise médicale sur l’âge, expertise dont l’utilisation doit être circonstanciée et prudente.

En l’espèce, M. est en France depuis de nombreux mois et a été orienté en Meurthe et Moselle suite au démantèlement de la jungle de Calais : l’Aide sociale à l’enfance de Meurthe et Moselle a alors refusé la poursuite de sa prise en charge car il était arrivé au Portugal en février 2016 sous l’identité d’une personne majeure avec un passeport délivré le 25 septembre 2015, identité enregistrée dans le fichier Visabio.

[...]

M. réfute cette identité initiale empruntée selon lui uniquement pour lui permettre de passer les contrôles aéroportuaires à son entrée en Europe et produit à l’appui de ses affirmations une copie certifiée conforme d’acte de naissance légalisée par un notaire, une carte d’élève datant de 2011 et comportant une photographie ainsi qu’un certificat d’études primaires, ces éléments ne présentant aucune contradiction, incohérence interne ou irrégularité apparente.

Le Ministère Public a interjeté appel de la décision de placement qui reconnait la qualité de mineur au jeune homme en estimant que seule la première identité doit être retenue.

Il est cependant à relever que la production d’un passeport angolais est cohérent avec le récit du parcours d’exil de l’intéressé qui dit s’être réfugié chez un oncle habitant en Angola et son arrivée au Portugal puisque l’Angola est un pays de langue portugaise.

Pour autant, il convient de remarquer que :
* le rapport initial en octobre 2016 indiquait qu’il était difficile de se prononcer sur l’âge de ... au regard de son apparence physique mais que son attitude et son comportement tendaient à montrer que c’était un adolescent et que son récit migratoire était cohérent,
* les éléments du dossier, notamment les rapports éducatifs, viennent exclure que ... soit réellement angolais puisqu’il ne parle pas portugais et maitrise au contraire très bien le français, ce qui lui a permis d’intégrer immédiatement une classe de 3e Pro.
* [...] le président de l’association Congo Kinshasa confirme son origine congolaise, notamment en raison de la particularité d’une cicatrice de vaccin spécifique au Congo,
* aucune expertise médicale n’a été réalisé ni proposée au mineur.

Dès lors, la Cour considère, comme le premier juge, qu’il existe des raisons de douter de l’identité sous laquelle le jeune homme est entré au Portugal puis arrivé en France et que, au vu des éléments produits, il y a lieu de considérer M. comme mineur et de retenir l’identité qu’il revendique comme étant la sienne.

[…]. »

Arrêt disponible en intégralité en format pdf ci-dessous :

CA_Nancy_08092017_1542017
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