Résumé :
Le juge des enfants, sans audition de l’intéressé, donne main levée du placement à l’ASE au motif notamment d’une condamnation pour des faits d’escroquerie faite au préjudice d’un organisme de protection sociale pour l’obtention d’une allocation ou prestation indue. L’intéressé interjette appel de ce jugement et assigne le président du conseil département en arrêt de l’exécution provisoire de ce jugement au visa de l’article 524 du code de procédure civile.
Le premier président de la Cour d’appel de Toulouse ordonne l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement de mainlevée de la juge des enfants dans l’attente de la décision de la Cour d’appel en estimant que l’exécution provisoire du jugement est de nature à entraîner des conséquences négatives irrémédiables pour le jeune et revêt ainsi un caractère manifestement excessif. Il relève sa grande précarité, son état de santé psychique et somatique, ainsi que le risque d’interruption de son parcours scolaire.
Extraits :
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Aux termes de l’article 524 du code de procédure civile, l’exécution provisoire judiciairement ordonnée ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que si elle est interdite par la loi ou risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives pour le débiteur, sans qu’il n’entre dans les pouvoirs du premier président ou de son délégataire d’apprécier la régularité ou le bien fondé du jugement frappé d’appel.
Les éléments de la cause permettent d’établir et de qualifier l’existence des conséquences manifestement excessives attachées à l’exécution immédiate, ordonnée par le juge des enfants conformément à l’article 515 du code de procédure civile, de la décision de mainlevée du placement à l’aide sociale à l’enfance (...) jusqu’à majorité, malgré l’appel interjeté.
En effet, par l’effet de l’exercice de cette voie de recours, le doute existant sur sa minorité doit lui profiter ; or sa mise à la rue sans aucune prise en charge ni accompagnement, avant tout examen au fond de l’affaire par la juridiction du second degré, est incompatible avec le constat et avec la considération primordiale de l’intérêt supérieur de l’enfant posé à l’article 3 de la Convention de New York du 26 janvier 1990.
L’isolement de M. qui avait fondé la saisine du juge des enfants, est toujours caractérisé.
Une note du club de prévention de Toulouse Métropole en date du 6 septembre 2017 indique "qu’il a été reçu le 31 juillet 2017 en grande précarité en ce qui concerne son hébergement (sans domicile fixe) ses moyens matériels (vêtu malpropre) ses difficultés en terme de transport ou encore de subsistance (ne mange pas à sa fin)".
Le docteur du centre de santé qui le suit depuis août 2016 au plan médico social estime dans un certificat du 2 septembre 2017 inquiétantes les conséquences de la levée de son placement, "sa remise à la rue est à l’origine d’une errance à la fois affective, matérielle et statutaire ; actuellement il a du à plusieurs reprises se retrouver à dormir seul dans l’espace public (et notamment à la gare), environnement non adapté à la vulnérabilité dont il fait état. Il ne parvient à s’alimenter qu’une fois par jour dans des espaces solidaires à usage limité".
Il rappelle que "ce jeune homme est porteur d’une maladie chronique qui nécessite d’être étayé sur le plan somatique et à risque de décompensation aigu en l’absence d’une prise en charge adaptée et rapprochée. Ce cadre de vie précaire actuel ne lui permet pas d’accéder ces modalités de suivi et l’expose à un risque de dégradation rapide de son état de santé". Il ajoute "j’observe par ailleurs, depuis cette mise à la rue, une profonde dégradation de son état psychique avec recrudescences des reviviscences anxieuses de souvenirs traumatiques envahissants liés à son parcours migratoire. Le sommeil est gravement altéré avec cauchemars et réveils nocturnes itératifs ; il présente une perte d’appétit manifeste avec une diminution des envies et une difficulté certaine à se projeter dans l’avenir. Ces éléments m’inquiètent particulièrement, au vu de sa situation et de ses vulnérabilités psychiques et somatiques".
Si M. a pu intégrer un établissement d’enseignement professionnel en septembre 2017 son hébergement en qualité d’interne en semaine et le week-end chez une famille est limité dans le temps jusqu’au prononcé de l’ordonnance à intervenir dans le cadre de la présente instance.
Le risque de suspension voire d’interruption de la scolarité est, ainsi, réel avec ses incidences éventuelles lors d’une demande ultérieure de carte de séjour temporaire dans le cadre de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Au vu de l’ensemble de ces données, l’exécution provisoire du jugement du 8 juin 2017 qui assure sa mise en oeuvre immédiate est de nature à entraîner des conséquences négatives irrémédiables pour M. et revêt ainsi un caractère manifestement excessif, ce qui conduit à en ordonner l’arrêt.
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Ordonnance disponible en format pdf ci-dessous :