Tribunal pour enfants d’Angers – Jugement en assistance éducative B17/0398 du 18 octobre 2017 – OPP du parquet devient caduque dès lors que le juge des enfants territorialement compétent n’a pas été saisi dans les délais légaux et n’a pas statué au fond – Recevabilité de la saisine du juge des enfants du lieu actuel de vie qui correspondait au lieu initial de prise en charge du mineur – L’ASE n’est pas partie à la procédure, donc n’est pas recevable à présenter un moyen d’incompétence – L’absence de légalisation ne prouve pas l’irrégularité de l’acte d’état civil lui même

Résumé :

Un mineur isolé est confié dans le cadre du dispositif de répartition nationale à l’ASE du Morbihan qui lui oppose un refus d’admission. Par la suite, l’OPP est devenue caduque faute de saisine du juge des enfants (JE) territorialement compétent.

Le juge des enfants, saisi en l’espèce, reconnait que le mineur est recevable à saisir le JE de son lieu de vie actuel, département l’ayant évalué. Par ailleurs, la décision de refus de prise en charge du Morbihan n’est pas juridiquement opposable au JE. Le simple fait que le mineur ne possède pas de documents d’état civil légalisés par le Ministère des Affaires Etrangères de Guinée ne peut suffire à établir qu’il ne soit pas mineur comme il le prétend et comme l’évaluation au fond l’a retenue. Ainsi, le mineur est maintenu sur le département et confié à l’ASE pour une durée d’un an.

Extraits :

« […].

Conformément aux dispositions de l’article 1189 du cpc, le juge des enfants peut convoquer et entendre en audience d’Assistance Educative toute partie dont l’audition lui parait utile ; la présence de l’Aide Sociale à l’Enfance en ce qu’elle a procédé à l’évaluation de la situation de ce jeune est donc justifiée ; la contestation sur ce point sera donc rejetée.

Il résulte de l’évaluation réalisée par les services de l’Aide Sociale à l’Enfance du MAINE ET LOIRE que les éléments fournis par le jeune, les renseignements recueillis et ses attitudes rendent plausibles sa minorité ; sa situation d’isolement n’a pas été contestée.

Si le Procureur de la République du Tribunal de Grande instance d’Angers a confié provisoirement au DEPARTEMENT DU MORBIHAN, M. il apparait vérification faite que le JUGE DES ENFANTS TERRITORIALEMENT COMPETENT n’a pas été saisi dans les délais légaux et n’a pas statué au fond (article 1184 du cpc). L’Ordonnance initiale confiant le mineur est donc caduque.

M. est donc recevable à saisir le juge des Enfants de son lieu actuel de vie qui correspondait à son lieu initial de prise en charge auquel il a été renvoyé par le DEPARTEMENT DU MORBIHAN (article 1181 cpc).

L’Aide Sociale à l’Enfance entendue à l’audience à titre de simple renseignement n’est pas partie à la procédure à ce stade et n’est pas donc pas recevable à présenter un moyen d’incompétence par ailleurs infondé.

La décision de refus de prise en charge du DEPARTEMENT DU MORBIHAN n’est pas juridiquement opposable au JUGE DES ENFANTS ; elle se fonde par ailleurs sur ces motifs inopérants en ce que l’absence de documents d’identités conformes et la seule apparence physique ne peuvent suffire à établir la majorité d’un individu en l’absence d’autres éléments de preuve, alors que l’évaluation réalisée au fond par le DEPARTEMENT DU MAINE ET LOIRE n’a pas remis en cause la véracité du récit du mineur, ni sa minorité, ni son isolement.

Les rapports simplifiés d’analyse documentaire réalisés par le Ministère de l’Intérieur ne retiennent que l’absence de présence sur l’extrait du registre de l’Etat civil et du jugement supplétif de la légalisation obligatoire émanant du Ministère des Affaires Etrangères de GUINEE, privant ces actes de la production d’effets de droit en FRANCE ; il n’est pour autant pas conclu à l’irrégularité de l’acte lui même ou à une falsification ou une contrefaçon des actes ; la mauvaise foi de M. n’est pas établie.

Or il convient de rappeler la présomption d’authenticité des actes de l’état civil émanant d’une administration étrangère prévue par l’article 47 du Code civil, qui s’applique sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou ces éléments tirés de l’acte lui même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Dès lors le simple fait que M. ne soit pas en possession d’actes d’identités juridiquement opposable en FRANCE, ne peut suffire à établir qu’il ne soit pas mineur comme il le prétend et comme l’évaluation au fond l’a retenue.

Au vu de ces éléments la demande de prise en charge présentée par M. est recevable et il convient d’y faire droit.

Attache prise avec la cellule nationale d’orientation, le maintien du jeune sur le DEPARTEMENT a été confirmée possible et apparait en l’état conforme à son intérêt.

M. sera donc confié à l’Aide Sociale à l’Enfance du MAINE ET LOIRE pour un an.

Il convient d’autoriser l’Aide Sociale à l’Enfance à réaliser les soins et hospitalisations nécessaires ainsi que l’ensemble des démarches administratives indispensables à la régularisation du statut de ce mineur, par délégation de l’autorité parentale.

Les difficultés actuelles et l’intérêt du mineur commandent d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

[…]. »

Jugement disponible en format pdf ci-dessous :

TPE Angers – Jugement en assistance éducative du 18 octobre 2017
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