Cour administrative d’appel de Bordeaux – 4ème chambre – Arrêt N° 17BX02227 du 13 novembre 2017 – Annulation d’un refus de titre de séjour – Erreur manifeste d’appréciation – Le requérant justifie d’une volonté persévérante de réussir son intégration dans la société française au moyen tant de ses activités professionnelles qu’associatives – Prise en compte de la durée du séjour de l’intéressé et de son intégration dans la société française – Il est enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale"

Résumé :

Un mineur isolé ressortissant togolais, placé à l’ASE à l’âge de 16 ans, s’est ensuite vu délivrer un titre de séjour portant la mention "étudiant" à la majorité. Il a pu renouveler une première fois son titre de séjour, puis il s’est vu délivrer un refus de délivrance de titre de séjour ainsi qu’une OQTF lors du second renouvellement. Le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision. Il relève appel du jugement.

La Cour administrative d’appel relève que même si l’intéressé a décidé de changer d’orientation suite à l’échec d’un concours, il justifie d’une volonté persévérante de réussir son intégration dans la société française au moyen tant de ses activités professionnelles qu’associatives. Par ailleurs, il dispose de son propre logement, a le permis de conduire, s’est marié avec une ressortissante française (après la date de l’arrêté) et est dépourvu de tout lien au Togo. Ainsi, en refusant l’octroi d’un titre de séjour et en lui délivrant une OQTF, le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation.

L’arrêté est annulé et il est enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale".

Extraits :

« […].

2. Il ressort des pièces du dossier que M., qui est entré en France en décembre 2009 à l’âge de seize ans, a été placé auprès des services de l’aide sociale à l’enfance en qualité de mineur isolé et a bénéficié d’un contrat jeune majeur en août 2012 et en janvier 2014. D’un bon niveau scolaire, il a obtenu le baccalauréat mention sciences et technologies de la santé avec mention assez bien en juillet 2011. Par la suite, l’intéressé s’est vu délivrer des titres de séjour en qualité d’étudiant, régulièrement renouvelés du 23 janvier 2013 au 30 septembre 2016. Après avoir obtenu son baccalauréat en 2011, M.s’est inscrit en classe préparatoire à l’école d’infirmier pour l’année universitaire 2011-2012, en première année commune aux études de santé (PACES) pour l’année 2012-2013, en première année d’institut de formation en soins infirmiers (IFSI) en 2013-2014, en première année de licence de sciences technologies et santé en 2014-2015 et en première année de licence de sciences humaines en 2016-2017. En effet, en dépit d’une remarquable prestation à l’épreuve d’entretien du concours d’infirmier de 2013 organisé au centre hospitalier de Villeneuve-sur-Lot, M. n’a pu mener à bien son projet de devenir infirmier faute d’avoir validé ses études de pharmacie et, après un échec au concours d’infirmier lors de l’année universitaire 2014-2015, il a décidé de changer d’orientation. Il a obtenu des résultats satisfaisants en 1ère année de licence de gestion appliquée.

3. L’intéressé justifie néanmoins d’une volonté persévérante de réussir son intégration dans la société française au moyen tant de ses activités professionnelles qu’associatives. En effet M. est titulaire du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateurs (BAFA) depuis le 15 juin 2011 et a validé le premier stage pratique du brevet d’aptitude aux fonctions de directeur en accueil collectif de mineurs en 2016. Il a notamment exercé les fonctions d’animateur en avril 2013 et du 27 janvier au 28 septembre 2014, il a également travaillé en qualité d’agent polyvalent de restauration rapide entre juillet et décembre 2014, puis en qualité de préparateur de commande pour la société Chronodrive de février à mars 2015 et est désormais titulaire, depuis août 2016, d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel avec la société Burger King. Il ressort également des pièces du dossier que M. est investi dans le milieu associatif : il a participé à plusieurs chantiers bénévoles en qualité d’animateur auprès de l’association à but humanitaire Concordia et qu’il est adhérent de l’association sportive et culturelle de Montaudran. De plus, M., qui dispose de son propre logement et a obtenu son permis de conduire le 4 mars 2015, se prévaut de plusieurs attestations faisant état de sa relation amoureuse depuis 2012 avec Mme, ressortissante française, avec laquelle il s’est marié le 16 février 2017, circonstance certes ultérieure à l’arrêté mais qui confirme le caractère stable et durable de la relation. Enfin, M. fait valoir qu’il est dépourvu de tout lien au Togo, où il n’est pas retourné depuis son arrivée en France en qualité de mineur isolé. Dans les circonstances particulières de l’espèce, compte tenu de la durée du séjour de M. et de son intégration dans la société française, le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur manifeste d’appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant en lui refusant le séjour.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête que M. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d’annulation du refus de séjour qui lui a été opposé, et, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que de la décision fixant le pays de destination.

[…].

6. L’annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif sur lequel elle se fonde, implique que le préfet de la Haute-Garonne délivre à M. un titre de séjour vie privée et familiale. Il y a lieu d’enjoindre au préfet de délivrer le titre dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt.

[…]. »

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