Cour d’appel de Lyon – Arrêt n°17/08732 du 15 décembre 2017 – Irrégularité de la procédure de rétention administrative – Remise en liberté de l’intéressée – Authenticité du passeport et de l’attestation de naissance – La manière dont une personne manifeste ses émotions paraît un critère bien insuffisant pour accréditer ou infirmer un récit – Cohérence du récit – Le doute doit profiter à l’intéressé

Résumé :

Afin de confirmer l’ordonnance mettant fin à la rétention administrative d’une MIE par le juge des libertés et de la détention (JLD), la Cour d’appel relève que l’intéressée présente des documents d’état civil authentiques, qu’elle est cohérente dans son discours et que le "manque d’émotion" invoqué par le département dans le sens d’une majorité ne saurait être un critère suffisant pour accréditer ou infirmer un récit. Enfin, en application de l’article 388 du code civil, la Cour rappelle que le doute doit profiter à l’intéressée et qu’elle doit être regardée comme mineure.

Extraits :

« […].

Il résulte des éléments ci-dessus que l’authenticité des deux documents administratifs produits successivement par Mme - passeport et attestation de naissance - a été certifiée, malgré leur discordance sur la date de naissance de l’intéressée.

Les doutes formulés par la direction de la protection de l’enfance concernant la maturité de l’intéressée sont relatifs à sa bonne connaissance du contexte politique de son pays, son voyage avec des personnes qu’elle ne connaissait pas, et l’absence d’émotion lorsqu’elle aborde la violence de son histoire. Toutefois, il résulte du même rapport qu’elle raconte que son père était membre d’un parti politique d’opposition, qu’il a participé à des réunions et des manifestations à ce titre, et qu’il a été enlevé pour cela ; que ces éléments permettent d’expliquer sa bonne connaissance du contexte politique du Congo. En outre, elle déclare qu’elle devait voyager avec sa mère, pour retrouver son père en Grèce ; que sa mère a été refoulée pour un problème de passeport. Enfin, la manière dont une personne manifeste ses émotions paraît un critère bien insuffisant en soi pour accréditer ou infirmer un récit.

Ensuite, il convient d’observer que l’attestation de naissance a été délivrée le 28 février 2013, soit plus de trois ans avant le départ de Mme de son pays, tandis que le passeport a été délivré le 18 janvier 2016. Or, aux termes du rapport de la direction de la protection de l’enfance, les troubles politiques au Congo sont apparus en 2015. Dans la mesure où elle présente son père comme opposant politique, il n’est pas illogique qu’un passeport ait été préparé pour permettre à l’intéressée de fuir. Or, ce même rapport précise que ce pays connaît, depuis 1990, une "corruption à grande échelle présente dans tous les secteurs".

Il n’est donc pas possible de considérer que le passeport présenté par Mme présenterait un degré de fiabilité supérieur à celui de l’attestation de naissance.

Par ailleurs, les explications qu’elle donne au sujet de la remise du passeport par son passeur ne paraissent pas incohérentes, pas davantage que ses explications sur les raisons pour lesquelles il était nécessaire qu’elle apparaisse comme majeure puisqu’elle était dans l’impossibilité de fournir un accord parental pour quitter le territoire, et qui l’ont conduit à maintenir cette position au cours de son placement en zone d’attente.

En outre, si comme l’ont indiqué les parties, il ne peut être exclu que l’instrumentum des actes d’état civil soit véridique, mais qu’il ne s’applique pas à Mme, cette considération peut s’appliquer à l’un ou l’autre des actes d’état civil en cause.

Dans ces conditions, il apparaît qu’aucun autre acte ou pièce, donnée extérieure ou élément tiré de l’acte lui-même, ne peut être considéré comme suffisant pour établir le caractère frauduleux de l’acte de naissance du 28 février 2013 ; que l’autorité administrative devait effectuer toute diligence utile pour déterminer l’âge véritable de l’intéressée ; qu’en l’état, en application de l’article 388 du code civil précité, le doute doit profiter à Mme, qui doit donc être regardée comme mineure.

C’est donc à bon droit que le premier juge a déclaré irrégulière la procédure de rétention administrative et ordonné la remise en liberté de l’intéressée. Il convient de confirmer l’ordonnance déférée et toutes ses dispositions.

[…]. »

Arrêt disponible en format pdf ci-dessous :

CA_Lyon_151217_1708732
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