Résumé :
Un mineur isolé ressortissant malien, confié à l’ASE après 16 ans, sollicite un titre de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" sur le fondement de l’article L. 313-15 du CESEDA à sa majorité. Le préfet refuse de lui délivrer au motif qu’ayant fraudé sur sa date de naissance, il était majeur lors de son placement auprès des services de l’ASE et lui a délivré une OQTF. Le tribunal administratif a rejeté la demande du jeune majeur tendant à annuler le refus assorti de l’OQTF. Il interjette appel du jugement du tribunal administratif.
La Cour administrative d’appel relève que le refus du préfet est exclusivement fondé sur la circonstance que les empreintes digitales ont été reconnues lors de la consultation de VISABIO, alors que l’intéressé présente un passeport, une carte nationale d’identité, un certificat de nationalité malienne et un jugement supplétif d’acte de naissance n’ayant pas fait l’objet de vérification par les services de police. La Cour retient que le préfet a commis une erreur de fait en considérant que le jeune était âgé de 35 ans au moment de son placement au service de l’ASE. Il est enjoint au préfet de réexaminer la situation de l’intéressé et de lui délivrer, dans l’attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.
Extraits :
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5. Considérant que l’appelant, qui indique être entré en France sous couvert d’un passeport d’emprunt, est en mesure de présenter un passeport à son nom, n° B0991148 valable du 13 août 2015 au 13 août 2020, mentionnant une date de naissance le 14 juillet 1997 ; qu’il est également en mesure de produire une carte nationale d’identité malienne délivrée en 2017 et mentionnant cette même date de naissance, un certificat de nationalité malienne établi en octobre 2016 par le président du tribunal d’instance de Yelimane et un jugement supplétif d’acte de naissance établi le 7 avril 2014 mentionnant cette même date ; que si le préfet indiquait, dans un mémoire en défense produit devant le tribunal en juin 2016, qu’une enquête de police et l’étude des documents étaient toujours en cours, il s’est abstenu d’en produire les résultats ; que le simple engagement d’une enquête ne saurait suffire à remettre en cause la valeur probante des actes d’état civil produits par M. dont ni les services de l’aide sociale à l’enfance ni les enseignants ni les maîtres de stage n’ont remis en question la minorité, alors que la différence de 18 ans entre l’âge mentionné sur les pièces qu’il produit et l’âge que lui prête le préfet du Rhône aurait normalement dû conduire ces professionnels à manifester, à tout le moins, un questionnement ;
6. Considérant qu’au vu de ces éléments, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal a jugé que le préfet du Rhône n’avait pas commis d’erreur de fait en considérant qu’il était âgé de 35 ans au moment où il a été confié au service de l’aide sociale à l’enfance ;
7. Considérant que le préfet du Rhône fait valoir qu’à supposer même que l’intéressé rapporte la preuve qu’ il était bien mineur au moment de sa prise en charge, il ne justifie pas être dans l’impossibilité de créer dans son pays d’origine sa propre vie privée et familiale et de mettre à profit l’expérience acquise grâce à la formation effectuée en France et fait valoir qu’il n’est pas isolé, ayant gardé des liens dans son pays d’origine ; qu’il doit être regardé comme invitant la cour à substituer au motif tiré de ce que M. n’était pas mineur un autre motif tiré de ce que, dans les circonstances de l’espèce, il pouvait refuser de faire usage de la faculté offerte par les dispositions de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
8. Considérant cependant que, lorsqu’il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d’abord que l’étranger est dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public, qu’il a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qu’il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ; que, disposant d’un large pouvoir d’appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l’intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française ;
9. Considérant qu’en invoquant les seuls motifs indiqués au point 7, qui ne procèdent pas d’un examen global de la situation de M. au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française, le préfet ne peut être regardé comme envisageant l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose en fonction de l’ensemble des éléments de la situation personnelle de l’intéressé ; qu’il ne résulte dès lors pas de l’instruction qu’il aurait pu légalement prendre la même décision en se fondant sur les motifs qu’il demande à la cour de substituer au motif entaché d’une erreur de fait qu’il a retenu ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de sa requête, M. est fondé à demander l’annulation de la décision du 5 novembre 2015 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour l’obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de renvoi.
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