Résumé :
Un mineur isolé ressortissant indien a fait l’objet d’un refus de prise en charge en raison " de son âge trop proche de la majorité et des délais d’orientations entre 4 à 6 mois ". Il porte plainte pour " délaissement d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge " prévu à l’article 223-3 du code pénal.
La Cour de cassation confirme la position de la cour d’appel de Paris qui a prononcé un non-lieu au motif que " le délit de délaissement suppose un acte positif exprimant la volonté de son auteur d’abandonner définitivement la victime " et que " tel n’est pas le cas du refus de prise en charge ab initio d’un mineur qui n’avait, au moment de ce refus, fait l’objet d’aucune décision de prise en charge de la part des autorités publiques ou d’organismes exerçant une mission de service public." En effet, la Cour rejette le pourvoi de l’intéressé en ne retenant pas l’élément intentionnel en l’espèce, alors que l’infraction prévue à l’article 223-3 du code pénal suppose "un acte positif exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime".
Par ailleurs, dès lors que le délit de délaissement ne peut être constitué qu’à l’encontre d’une personne assumant déjà la responsabilité de la prise en charge de la victime, la Cour retient que le refus de prise en charge par le département et la tenue de l’évaluation ne saurait caractériser une prise en charge au sens de l’article 223-3 du code pénal.
Extraits :
« [...].
"aux motifs qu’il résulte de l’information que M. A... Z... , né le [...] à Hoshiapur, de nationalité indienne, s’est présenté le 16 mars 2012 à la permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers (PAOMIE) de Paris ; qu’après un entretien avec lui, a été établie une fiche d’information comportant notamment les mentions suivantes "A... est arrivé en France il y a une semaine. M. Z... a été reçu ce jour et au vu des informations recueillies et de notre protocole avec l’ASE, la possibilité d’une mise à l’abri dans notre dispositif en vue d’une présentation à l’ASE n’est pas possible. M. Z... a un âge trop proche de la majorité et les délais d’orientation sont entre 4-6 mois" ; qu’à l’issue de cet entretien, la permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers a opposé à l’intéressé, âgé de 17 ans et 7 mois, un refus de prise en charge ; que le délit de délaissement suppose un acte positif exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime ; que tel n’est pas le cas du refus de prise en charge ab initio d’un mineur qui n’avait, au moment de ce refus, fait l’objet d’aucune mesure de prise en charge de la part des autorités publiques ou d’organismes exerçant une mission de service public ; que le fait que M. Z... ait été reçu par la permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers pour un entretien, à l’issue duquel a été établie la fiche d’information précitée concluant à l’impossibilité d’une prise en charge en raison de son âge trop proche de la majorité, est à cet égard dépourvu de portée ; que le délaissement exigé par l’article 223-3 du code pénal n’étant pas établi, l’infraction pénale prévue et réprimée par ce texte ne peut être constituée, quelle que soit l’argumentation des parties civiles concernant la vulnérabilité de M. Z... ;
[...].
"1°) alors que le délit de délaissement d’une personne hors d’état de se protéger suppose un acte positif, exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime, que cet auteur assume déjà la prise en charge de la victime ou qu’il se trouve dans l’obligation légale ou réglementaire de le faire ; qu’ayant constaté que l’association à qui était délégué l’accueil des mineurs dans le dispositif de mise à l’abri des mineurs isolés institué par le département avait refusé de prendre en charge l’adolescent après avoir pourtant constaté qu’il était mineur, et avait motivé sa décision par la seule considération que la longueur des délais de prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance privait d’utilité la mise à l’abri, ce dont il résultait pourtant, en l’absence de constatation que le mineur n’était pas isolé, une obligation de prendre en charge ce dernier, la chambre de l’instruction, en excluant toute qualification au titre du délit de délaissement d’une personne hors d’état de se protéger au motif inopérant que le mineur n’avait alors pas encore fait l’objet d’une prise en charge, a méconnu l’article 223-3 du code pénal ;
"2°) alors qu’en tout état de cause l’accueil d’un mineur et l’évaluation de sa situation personnelle par un dispositif d’accueil provisoire d’urgence et d’évaluation de la situation individuelle des mineurs isolés en vue d’une mise à l’abri des intéressés et, le cas échéant, d’un placement au titre de l’aide sociale à l’enfance, constitue une prise en charge dont la rupture caractérise, en présence d’un mineur qui devait être mis à l’abri, le délit de délaissement prévu par l’article 223-3 du code pénal ; qu’ayant constaté que le mineur avait été reçu par la permanence d’accueil et d’orientation mise en place par le département de Paris pour un entretien, et qu’à l’issue de ce dernier une fiche d’information avait été établie et concluait à un refus de pris en charge, lequel était motivé par des considérations tenant à la seule gestion de l’aide sociale à l’enfance, la chambre de l’instruction, en retenant que le mineur n’avait fait l’objet d’aucune prise en charge n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a méconnu l’article 223-3 du code pénal ;
"3°) alors que le délit de délaissement d’une personne hors d’état de se protéger suppose la conscience chez son auteur d’abandonner définitivement la victime ; qu’ayant constaté que les services de l’association avaient refusé de prendre en charge l’adolescent dont ils avaient pourtant constaté qu’il était un mineur isolé et que ce refus avait été motivé par des considérations tenant à la seule gestion de l’aide sociale à l’enfance, sans considération de la situation matérielle de l’adolescent, la chambre de l’instruction, en exigeant en sus une volonté d’abandon définitive constitutive d’un dol spécial, a ajouté à la loi et méconnu l’article 223-3 du code pénal" ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, de l’ordonnance qu’il confirme et des pièces de la procédure que M. A... Z... , alors âgé de dix-sept ans et sept mois, s’est présenté à la permanence d’accueil et d’orientation des mineurs étrangers isolés assurée par l’association France Terre d’asile en vertu d’une convention avec le département de Paris ; qu’il a fait l’objet d’un refus de prise en charge, au motif qu’il était, au regard des quatre à six mois de délais d’orientation, trop proche de sa majorité pour une mise à l’abri dans le dispositif de cette association en vue d’une présentation à l’aide sociale à l’enfance ; qu’il a porté plainte et s’est constitué partie civile notamment du chef susvisé ; qu’il a relevé appel de l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;
Attendu que, pour confirmer cette décision s’agissant du délit de délaissement, l’arrêt énonce que cette infraction suppose un acte positif exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime, que tel n’est pas le cas du refus ainsi opposé à un mineur qui n’avait pas encore été pris en charge par le service compétent et qu’un simple entretien d’évaluation ne saurait caractériser une telle prise en charge ;
Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que le délit de délaissement ne peut être constitué qu’à l’encontre d’une personne qui assume déjà la responsabilité de la prise en charge de la victime, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application de l’article 223-3 du code pénal ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
[…]. »
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