Tribunal administratif de Lyon – Ordonnance n°1806833 du 20 septembre 2018 – Référé-liberté – La délivrance d’un récépissé de demande de premier titre de séjour fondée sur l’article L. 313-15 du CESEDA sans droit au travail porte une atteinte grave et manifestement illégale à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction – Prive le jeune majeur de la possibilité de poursuivre sa formation en alternance, alors que la rentrée scolaire a débuté

Résumé :

Un mineur isolé ayant obtenu un CAP se voit délivrer par la préfecture un récépissé n’autorisant pas à travailler.

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), retient qu’en délivrant un récépissé sans autorisation provisoire de travail au jeune majeur ayant conclu un contrat d’apprentissage et débuté sa rentrée scolaire, le préfet contraint l’intéressé à au moins reporter d’une année le début de sa formation. C’est en ce sens qu’il a manifestement commis une erreur d’appréciation et a porté une atteinte grave et manifestement illégale à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction.

Il est enjoint au préfet de délivrer un récépissé de première demande de titre de séjour l’autorisant à travailler dans un délai de quatre jours.

Extraits :

« […].

5. M. né le 15 juin 1999 est arrivé en France le 16 juin 2015 à l’âge de 16 ans. Il a été pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance par le département de la Haute-Garonne puis par la métropole de Lyon. Il a présenté en avril 2017, alors qu’il était encore mineur, une demande de titre de séjour sur le fondement notamment des dispositions de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que sur celles des articles L. 313-.14 et L 313.-11 7° de ce code. Le préfet a délivré à l’intéressé un récépissé de la demande de premier titre de séjour l’autorisant à séjourner mais sans droit au travail. Ce récépissé lui a été depuis lors renouvelé, le dernier étant valable jusqu’au 12 décembre 2018. Le requérant fait valoir que l’absence de délivrance d’une autorisation de travail lui est gravement préjudiciable dès lors qu’il est dans l’impossibilité de pouvoir suivre pour cette année 2018/2019, la formation en alternance de Brevet professionnel (BP) peintre applicateur revêtement pour laquelle il a été admis et bénéficie d’un
contrat d’apprentissage signé le 1 1 juillet 2018 et qu’elle est manifestement illégale. Le préfet expose quant à lui, dans le dernier état de ses écritures, qu’alors que l’intéressé n’avait pas produit de contrat d’apprentissage visé par la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, il fait instruire désormais en urgence cette demande d’autorisation de travail relative à ce contrat d’apprentissage du 11 juillet 2018 transmis dans le cadre de la présente procédure de référé.

6. Il résulte de l’instruction que la demande initiale de titre de séjour, déposée lorsque l’intéressé était mineur en avril 2017, portait sur un contrat d’apprentissage en vue du diplôme de certificat d’aptitude professionnelle (CAP) peintre applicateur revêtement pour l’année d’enseignement 2017/2018. Alors que, pour l’application des dispositions du deuxième alinéa de l’article L.5221-5 du code du travail, les mineurs étrangers âgés de seize à dix-huit ans confiés au service de l’aide sociale à l’enfance doivent être regardés comme autorisés à séjourner en France lorsqu’ils sollicitent, pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée, une autorisation de travail, il est constant que l’intéressé, qui n’était titulaire que de récépissés ne valant pas autorisation de travail depuis avril 2017, a du abandonner cette formation en alternance, a dès lors suivi en formation initiale ces études de CAP au sein d’un lycée professionnel, et a obtenu son diplôme de CAP en juin 2018. L’intéressé souhaitant dans la continuité suivre une formation en alternance de Brevet professionnel (BP) peintre applicateur revêtement pour laquelle il a été admis au sein d’un centre de formation, il a conclu un nouveau contrat d’apprentissage signé le 11 juillet 2018 avec son employeur dans le cadre de cette formation en vue de l’obtention de ce brevet professionnel. Par ailleurs, le requérant a déclaré au cours de l’audience qu’il avait lors, du précédent renouvellement de ce récépissé en juin 2018, fait état au guichet de l’attestation de son futur employeur, l’entreprise Roche, déclarant vouloir l’embaucher dans le cadre d’un contrat d’apprentissage à la rentrée 2018 et qu’il avait
informé la personne au guichet de là conclusion prochaine de ce contrat. Il a aussi déclaré au cours de l’audience que le 13 septembre 2018, lors du renouvellement suivant de son récépissé, il a fait état au guichet de la préfecture de l’existence de ce contrat. Il a aussi déclaré au cours de l’audience que le 13 septembre 2018, lors du renouvellement suivant de son récépissé, il a fait état au guichet de la conclusion prochaine de ce contrat. Il a aussi déclaré au cours de l’audience que le 13 septembre 2018, lors du renouvellement suivant de son récépissé, il a fait état au guichet de la préfecture de l’existence de ce contrat d’apprentissage et a présenté ledit contrat. Dans les circonstances particulières de l’espèce, en accordant depuis avril 2017 à M. un récépissé ; sans lui délivrer l’autorisation provisoire de travail mentionnée à l’article R. 311-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans l’attente qu’il soit statué sur sa demande de titre de séjour, et en le privant par voie de conséquence, de la possibilité de poursuivre sa formation en alternance avec une entreprise chargée de son apprentissage alors que la rentrée scolaire a débuté ce 17 septembre 2018, le préfet du Rhône, dont la décision a notamment pour effet de contraindre l’intéressé à au moins reporter d’une année le début de sa formation, a manifestement commis une erreur d’appréciation et a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction.

7. Ensuite, il résulte de l’instruction que, comme il a été dit au point précédent, la rentrée scolaire a débuté ce 17 septembre 2018 et l’absence de délivrance de l’autorisation provisoire de séjour, qui fait obstacle à la mise en œuvre de son contrat d’apprentissage aurait pour conséquence de contraindre l’intéressé de renoncer pour cette année scolaire 2018/2019 à cette formation en alternance. L’intéressé justifie ainsi d’une situation d’urgence au sens des dispositions précitées.

8. Il en résulte qu’il y a lieu d’enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à M. un récépissé de première demande de titre de séjour l’autorisant à travailler, dans un délai de quatre jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette injonction d’une astreinte.

[…]. »

Ordonnance disponible en format pdf ci-dessous :

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