Tribunal administratif de Paris – Ordonnance n°18182319 du 19 octobre 2018 – Référé-liberté – Le fait de différer, au-delà du délai de 10 jours et jusqu’à la majorité du requérant, l’enregistrement de la demande d’asile, fait obstacle à l’examen de celle-ci selon la procédure applicable aux mineurs – Il est enjoint au préfet de saisir le procureur de la République pour qu’il saisisse sans délai un administrateur ad hoc afin de faire enregistrer la demande d’asile de l’intéressé et de lui remettre une attestation de demande d’asile

Résumé :

Un mineur isolé ressortissant afghan se présente au guichet de la préfecture en vue de l’enregistrement de sa demande d’asile. Après la tenue d’un entretien individuel durant lequel la minorité a été retenue, un refus d’enregistrer sa demande d’asile lui a été opposé et il est à nouveau convoqué un mois plus tard, lors de sa majorité).

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), enjoint au préfet de saisir le procureur de la République pour qu’il saisisse sans délai un administrateur ad hoc afin de faire enregistrer la demande d’asile de l’intéressé et de lui remettre une attestation de demande d’asile.

Extraits :

« […].

En ce qui concerne la condition d’urgence :

6. M., né le 9 novembre 2000, fait valoir qu’il est mineur et n’a aucun membre de sa famille installé dans un pays de l’espace Schengen. Il se trouve ainsi dans une condition particulièrement vulnérable et, compte tenu du refus d’enregistrement de sa demande d’asile qui lui a été opposé, ne bénéficie pas des conditions matérielles d’accueil. Il n’est pas contesté qu’il se trouve à la rue, sans ressources, et ne dispose pas d’une domiciliation à titre précaire chez un particulier. En outre, la nouvelle convocation qui lui a été adressée, pour le 10 novembre 2018, le lendemain de son dix-huitième anniversaire, aura pour effet de le priver de l’application des dispositions protectrices tant procédurales que de fond applicables aux demandeurs d’asile mineurs. Dans ces conditions, sa demande revêt, en l’espèce, compte tenu notamment de la proximité de son 18ème anniversaire, le caractère d’urgence exigé par l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

En ce qui concerne l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

7. (...) Au lieu de procéder à l’enregistrement de sa demande d’asile, les services de la préfecture du Val d’Oise lui ont alors délivré une nouvelle convocation pour le 10 novembre 2018. Le fait de différer, au-delà du délai de 10 jours ouvrés fixé par les dispositions précitées, et jusqu’à la majorité du requérant, l’enregistrement de la demande d’asile, fait obstacle à l’examen de celle-ci selon la procédure applicable aux mineurs, qui impose notamment la saisine du Procureur de la République en vue de la désignation d’un administrateur ad hoc pour l’assister dans ses démarches, et le prive des garanties applicables aux demandeurs d’asile mineurs prévues à l’art L741-4 CESEDA et à l’article 8 du règlement n° 604/2013 susvisé. Pour justifier le refus de saisir le Procureur de la République d’une demande de désignation d’un administrateur ad hoc, le préfet du Val d’Oise invoque le fait que le requérant résiderait à Paris et qu’il ne serait dès lors pas compétent. Cependant il ne résulte pas de l’instruction que le requérant qui disposait alors d’une adresse dans le Val d’Oise aurait indiqué une adresse à Paris. En outre, le Préfet du Val d’Oise ne justifie pas des motifs pour lesquels il a adressé à l’intéressé une nouvelle convocation (…) en vue de l’enregistrement de la demande, s’il ne s’estimait pas territorialement compétent. Par ailleurs, si le Préfet du Val d’Oise soutient que l’absence de saisine du Procureur en vue de la désignation d’un administrateur ad hoc permettrait un enregistrement plus rapide de sa demande d’asile, il résulte des dispositions précitées que le procureur de la République doit être avisé immédiatement en vue de permettre sans délai la désignation d’un administrateur ad hoc. En revanche, la circonstance que l’administrateur ad hoc ne soit pas encore désigné ne fait pas obstacle à l’enregistrement de la demande d’asile. Le préfet du Val d’Oise, en opposant à l’intéressé un refus d’enregistrer sa demande d’asile dans le délai de 10 jours, doit, dans les circonstances de l’espèce, être regardé comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit constitutionnel d’asile, qui a le caractère d’une liberté fondamentale, et a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié.

8. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’enjoindre au préfet du Val d’Oise ou au préfet territorialement compétent, sous réserve qu’il n’y ait pas déjà procédé, de saisir le procureur de la République dans un délai de trois jours à compter de la date de notification de la présente ordonnance, pour que celui-ci désigne sans délai un administrateur ad hoc afin d’assister M. dans sa demande d’asile, d’enregistrer sa demande d’asile et de lui remettre une attestation de demande d’asile dans ce même délai. Toutefois, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

[…]. »

Ordonnance disponible en format pdf ci-dessous :

TA_Paris_19102018_enr_asile
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