Résumé :
De nombreux demandeurs d’asile connaissent des problèmes d’accessibilité à la plate-forme téléphonique mise en oeuvre par l’OFII afin de pouvoir déposer leur demande d’asile. Plusieurs associations et particuliers saisissent le juge des référés afin qu’il ordonne toutes mesures de nature à faire cesser l’atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile résultant de l’impossibilité d’accéder aux structures de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA).
Le tribunal administratif retient que la condition d’urgence est caractérisée par la situation d’insécurité juridique dans laquelle se trouvent les demandeurs d’asiles au motif qu’ils ne disposent pas, lorsque leurs appels n’aboutissent pas à une réponse, d’un justificatif des démarches qu’ils ont entreprises afin de régulariser leur situation. Le juge relève que l’Etat a une obligation de résultat et non pas de moyen dans ce domaine. Il enjoint à l’OFII de renforcer le dispositif d’accueil de sa plateforme téléphonique d’au moins 2 agents et de prendre en charge sous 48h les demandes d’asile des requérants.
Extraits :
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3. La notion de liberté fondamentale au sens où l’a entendue le législateur lors de l’adoption de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, englobe, s’agissant des ressortissants étrangers qui sont soumis à des mesures spécifiques réglementant leur entrée et leur séjour en France, et qui ne bénéficient donc pas, à la différence des nationaux, de la liberté d’entrée sur le territoire, le droit constitutionnel d’asile qui a pour corrolaire le droit de solliciter le statut de réfugié, dont l’obtention est déterminante pour l’exercice par les personnes concernées des libertés reconnues de façon générale aux ressortissants étrangers et le droit de se maintenir sur le territoire français pendant la durée d’instruction de la demande d’asile. En l’espèce, il résulte de l’instruction qu’une part non négligeable des demandeurs d’asile entrant sur le territoire français connaissent des problèmes d’accessibilité à la plate-forme téléphonique mise en oeuvre par l’OFII, ce qui les place dans une situation précaire sur le plan juridique car ils ne disposent pas, lorsque leurs appels n’aboutissent pas à une réponse et contrairement à ce qui se passait dans l’ancien système nécessitant leur présence physique dès ce stade, d’un justificatif des démarches qu’ils ont entreprises afin de régulariser leur situation. Dès lors, en raison de la situation d’insécurité juridique dans laquelle ces demandeurs se trouvent, la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-2 précité doit être regardée comme satisfaite.
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7. Il apparaît néanmoins que les efforts constants effectués par l’Office, qui a notamment étendu les plages horaires des dix agents présents sur cette plate-forme, laissent subsister un pourcentage non négligeable de demandeurs d’asile, qu’il est difficile d’évaluer précisément en l’état, qui voient la prise en charge de leur demande d’asile retarder en raison d’un encombrement technique de la centrale d’appels. Il ne peut ainsi être sérieusement contesté qu’il demeure un réel problème d’accessibilité à la plate-forme téléphonique comme le reconnait lui-même le ministre de l’intérieur, autorité de tutelle de l’OFII, qui note dans ses écritures en défense que ce « dispositif est soumis à une très forte pression et il peut en résulter ponctuellement des difficultés d’accès à la plate-forme téléphonique de l’OFII ». S’il est par ailleurs exact, comme le souligne le ministre de l’intérieur, que les délais maximum prévus par les textes précités s’entendent du délai écoulé entre la date de présentation de la demande de protection internationale et son enregistrement à l’un des guichets préfectoraux, il n’en demeure pas moins que le délai mis par le ressortissant étranger pour obtenir une réponse de l’un des agents de la plate-forme téléphonique participe au délai global d’enregistrement de la demande, en l’allongeant d’autant. Il en résulte la constitution de « files d’attente virtuelles » composées de la cohorte des demandeurs d’asile ne parvenant pas à obtenir une réponse de la plate-forme malgré leurs essais répétés durant plusieurs jours. Des tests réalisés à l’initiative de l’Office révèlent ainsi que seulement 22% des demandeurs d’asile arrivent à contacter un agent de la plate-forme au premier appel, qu’il reste encore 30% environ des demandeurs d’asile qui doivent effectuer au moins six appels avant d’obtenir une réponse et que 9,66% des appels ayant reçu une réponse sont consécutifs à un délai d’attente supérieur ou égal à dix jours qui vient donc s’ajouter au délai d’instruction des demandes. Faute de pouvoir disposer d’un accusé de réception de son appel, le demandeur d’asile n’est pas en mesure, en cas d’interpellation par les services de police, de justifier des démarches entreprises pour régulariser sa situation. Il importe donc que l’Office, comme il est en capacité de le faire techniquement, cerne au mieux le « chiffre noir » constitué par le nombre de demandeurs d’asile ne pouvant accéder à la plate-forme téléphonique afin de déterminer le plus précisément possible le nombre d’agents nécessaires pour recevoir les appels. Dans cette attente, il sera enjoint à l’Office, comme il s’y est d’ailleurs déjà préparé dans le cadre de la loi de finances pour l’année 2019 selon les observations de sa représentante, de renforcer d’au moins deux agents supplémentaires à temps complet les effectifs de cette plate-forme à compter du 28 février 2019 jusqu’à ce que la situation se stabilise par l’absorption des flux entrants. Il est rappelé, à cet égard, qu’en toutes hypothèses, la détermination du nombre des agents en poste sur la plate-forme téléphonique doit être corrélé au nombre d’appels téléphoniques entrants et non au nombre d’agents présents en aval du circuit dans les GUDA qui, s’il est contingenté budgétairement, doit également évoluer selon le même principe sans qu’il soit nécessaire, à ce stade, d’ordonner d’injonction. Il pèse en effet sur l’Etat dans ce domaine régalien une obligation de résultat et non de moyen.
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