Tribunal administratif d’Orléans – Ordonnance n°1901460 du 29 avril 2019 – Référé-liberté – Absence d’investigations menées par le département pour déterminer l’âge réel du requérant – Il n’apparaît pas que l’intéressé ne satisferait manifestement pas à la condition de minorité – Le département est enjoint de faire procéder à une nouvelle évaluation, après accueil de l’intéressé en hébergement d’urgence

Résumé :

Un mineur isolé ressortissant gambien se présente au conseil départemental et se voit refuser la prise en charge 3 jours après un entretien flash, sans accueil provisoire d’urgence.

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), relève que M.X n’a bénéficié d’aucun hébergement d’urgence et que le département ne produit aucun rapport d’évaluation. Ainsi, une carence est caractérisée dans l’accomplissement de la mission d’accueil des mineurs isolés qui incombe au département qui, eu égard à ses conséquences pour l’intéressé, porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. En l’espèce, l’urgence est caractérisée par la situation de particulière vulnérabilité de M.X qui vit seul dans des conditions précaires sans possibilité d’hébergement et de protection alors qu’il est âgé de 15 ans.

Il est enjoint au département de procéder sans délai à une nouvelle évaluation après l’accueil de l’intéressé en hébergement d’urgence.

Extraits :

« […].

8. Lorsque le département refuse de saisir l’autorité judiciaire à l’issue de l’évaluation (...) l’existence d’une voie de recours devant le juge des enfants par laquelle le mineur peut obtenir son admission à l’aide sociale rend irrecevable le recours formé devant le juge administratif contre la décision du département. En revanche, lorsque le département, ou le service mandaté par celui-ci a refusé à une personne se déclarant mineure le bénéfice de l’accueil provisoire d’urgence et de l’évaluation prévus par l’article R.221-11 du code de l’action sociale et des familles, la contestation de cette décision, qui relève de la juridiction administrative, ne conduit pas le juge à statuer sur la question de la saisine de l’autorité judiciaire ou sur celle de l’admission de l’intéressé à l’aide sociale à l’enfance. La circonstance que l’intéressé puisse saisir lui-même le juge des enfants pour qu’il statue sur son admission à l’aide sociale, y compris en décidant sa remise à titre provisoire à un centre d’accueil, ne rend donc pas irrecevable la contestation d’une telle décision devant le juge administratif.

[…].

10. Il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en oeuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale. Une obligation particulière pèse, en ce domaine, sur les autorités du département en faveur de tout mineur dont la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger. Une carence caractérisée dans l’accomplissement de ces obligations peut faire apparaître une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d’apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

11. Hormis le cas où la personne qui se présente ne satisfait manifestement pas à la condition de minorité, un refus d’accès au dispositif d’hébergement et de l’évaluation (...) opposé par l’autorité départementale à une personne se disant mineur isolé, est susceptible, en fonction de la situation sanitaire et morale de l’intéressé, d’entraîner des conséquences graves caractérisant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. En l’espèce, le requérant fait valoir qu’il n’a effectivement bénéficié d’aucun hébergement contrairement à ce que prévoit l’article R.221-11 du code de l’action sociale et des familles et que les services du département ont procédé de manière laconique et totalement incomplète à une évaluation de sa situation fondée sur un seul entretien en méconnaissance des dispositions de cet article et que l’évaluation n’est pas conforme à l’arrêté du 17 novembre 2016. Il est constant que le requérant n’a bénéficié d’aucun hébergement par les services du département (...). Par ailleurs, le département ne produit aucun rapport d’évaluation et son représentant indique à l’audience que l’entretien a duré environ une heure trente. Ainsi, le département ne justifie pas que le rapport d’évaluation de l’intéressé satisferait aux exigences de l’article 6 de l’arrêté du 17 novembre 2016. Enfin il n’apparaît pas que des investigations ont été menées pour déterminer l’âge réel du requérant permettant de conclure avec certitude à sa majorité et il n’apparaît pas que l’intéressé, présent à l’audience, ne satisferait manifestement pas à la condition de minorité.

[…].

13. Au regard de la situation de M.X qui soutient, sans être contredit, qu’il se trouve une situation de particulière vulnérabilité, qu’il vit seul dans des conditions précaires sans possibilité d’hébergement et de protection alors qu’il est âgé de quinze ans, la condition d’urgence prévue par l’article L.521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

14. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’enjoindre, sans délai, au département du Loiret de faire procéder à une nouvelle évaluation de M., après accueil de l’intéressé en hébergement d’urgence. Il n’y a pas lieu, en revanche, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

[…]. »

Ordonnance à retrouver au format pdf ci-dessous :

TA_Orléans_20042019_n°1901460
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