Tribunal administratif de Nancy – Jugement n°1701939 du 03 juillet 2018 – Présomption de l’article 47 du code civil – Le département ne produit aucun élément de nature à établir que le jugement supplétif présenté serait irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité – L’expertise médicale réalisée sur la base d’examens osseux ne peut se substituer aux documents d’état civil produits, dès lors que l’authenticité de ces derniers n’a pas été formellement écartée par les conclusions d’une expertise documentaire

Résumé :

Un mineur isolé guinéen confié provisoirement à l’ASE à 16 ans fait l’objet, sur réquisition judiciaire, d’une expertise médicale concluant à un âge supérieur à 18 ans. Le conseil départemental (CD) met fin à sa prise en charge. M.X saisit le juge des enfants (JE) qui ordonne son placement par jugement. M.X demande l’annulation de la décision du CD par laquelle le PCD a refusé de poursuivre sa prise en charge.

Le tribunal administratif relève que le département ne rapporte pas la preuve que le jugement supplétif présenté ne serait pas authentique, il bénéficie donc de la présomption d’authenticité de l’article 47 du code civil. Par ailleurs, le juge administratif écarte l’examen d’âge osseux (article 388 du code civil) ainsi que l’appréciation du service d’accueil des mineurs isolés. Ainsi, M.X étant mineur à la date de la décision attaquée, il relevait de la prise en charge obligatoire prévue à l’art. 222-5 CASF. Le PCD a commis une erreur de droit ; sa décision mettant fin à la prise en charge de M.X est annulée.

Extraits :

« […].

3. Considérant que le département (...) soutient qu’il n’y a plus lieu à statuer dans la présente instance, dès lors que le requérant a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance du département le 20 juin 2017 ; que, toutefois, une telle circonstance n’a pas pour effet de priver d’objet le présent litige, dès lors que la décision attaquée n’a pas été rapportée et qu’elle a produit ses effets pendant tout le temps où elle était en vigueur ; que M. X était donc recevable à demander l’annulation de la décision du 10 mars 2017 mettant fin à sa prise en charge ;

[…].

7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. X s’est présenté aux services de l’aide sociale à l’enfance du département (...) déclarant être mineur en se prévalant d’un jugement supplétif du tribunal de première instance de Kindia (...) ; que le département ne produit aucun élément de nature à établir que ce document, qui fait état de la naissance du requérant le 11 mai 2000, serait irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité ; que l’expertise médicale réalisée à la demande du parquet sur la base d’examens osseux ne présente pas, à elle seule, d’élément suffisant de certitude quant à l’âge du requérant, eu égard notamment à la marge d’erreur pouvant aller jusqu’à dix-huit mois, pour se substituer aux documents d’état civil produits, dès lors que l’authenticité de ces derniers n’a pas été formellement écartée par les conclusions d’une expertise documentaire à la date de la décision attaquée ; que l’appréciation du service d’accueil des mineurs isolés n’est pas davantage de nature, compte tenu de son caractère subjectif, à établir que la date de naissance du requérant serait postérieure à celle indiquée sur le document d’état civil qu’il produit ; qu’en l’absence d’élément probant susceptible d’écarter la présomption d’authenticité posée à l’article 47 du code civil, les mentions figurant sur l’acte produit par M.X en particulier sa date de naissance, doivent être regardées comme faisant foi  ; que le requérant étant mineur à la date de la décision attaquée, il relevait, par suite, de la prise en charge obligatoire prévue à l’article L. 222-5 du Code de l’action sociale et des familles ; qu’il suit de là qu’en excluant M.X du dispositif d’accueil des mineurs isolés, le président du conseil départemental (...) a commis une erreur de droit ;

[…].

Article 1er : La décision du 10 mars 2017 par laquelle le président du conseil départemental (...) a mis fin à la prise en charge de M.X au titre de la protection de l’enfance est annulée.

[…]. »

Jugement disponible au format pdf ci-dessous :

TA_Nancy_03072018_n°1701939
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