Saisi de la situation d’un mineur isolé de nationalité camerounaise arrivé en Espagne, le Comité dans sa décision CRC/C/81/D/22/2017 du 31 mai 2019, constate que l’Espagne a violé plusieurs articles de la Convention internationale des droits de l’enfant, notamment les garanties attachées à l’intérêt supérieur de l’enfant et au droit à l’identité (articles 3 et 8 de la CIDE), combinés aux articles 12, 20 § 1 et 24 de la Convention (droit pour un enfant d’exprimer librement son opinion, d’obtenir une protection et une aide spéciales de l’Etat, de bénéficier des services médicaux), ainsi que l’article 6 du Protocole facultatif.
Le Comité des droits de l’enfant a conclu que la procédure de détermination de l’âge n’a pas respecté les garanties nécessaires, notamment en ne prenant pas en compte les documents d’identité officiels délivrés par les autorités camerounaises, en le déclarant majeur au motif qu’il refusait de se soumettre à des examens médicaux et en ne permettant pas au mineur isolé d’être accompagné d’un représentant pendant la procédure légal.
Extraits de la décision :
« […].
13.3 Le Comité considère que la détermination de l’âge d’une personne jeune qui affirme être mineure revêt une importance capitale, puisque le résultat de cette procédure permet d’établir si la personne en question pourra ou non prétendre à la protection de l’État en qualité d’enfant. Une autre considération extrêmement importante pour le Comité est que la jouissance des droits consacrés par la Convention est également liée à cette détermination. Il est donc impératif que la procédure de détermination de l’âge soit assortie des garanties nécessaires, et qu’il existe des recours permettant d’en contester les résultats. Par conséquent, le Comité estime que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale tout au long de la procédure de détermination de l’âge.
13.4 Le Comité renvoie à l’observation générale conjointe n° 4 du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n° 23 du Comité des droits de l’enfant (2017), dans laquelle il est indiqué que les documents d’identité doivent être considérés comme authentiques, sauf preuve du contraire. De même, on ne peut déclarer une personne majeure au seul motif qu’elle refuse de se soumettre à des examens médicaux.
13.5 En l’espèce, le Comité constate ce qui suit : a) aucun des documents d’identité officiels produits par l’auteur n’a été reconnu valable aux fins de la détermination de son âge, qu’il s’agisse des documents qu’il a présentés avant que soit rendue la décision par laquelle il a été déclaré majeur − copie intégrale de son acte de naissance (dont l’original était consultable à l’ambassade du Cameroun à Madrid), carte d’identité consulaire, certificat d’inscription consulaire et récépissé de demande de passeport − ou du passeport biométrique qu’il a présenté à l’appui de sa demande de réexamen de cette décision ; b) l’État partie a en conséquence considéré que l’auteur était un migrant sans papiers et lui a demandé de se soumettre à des examens médicaux ; c) l’auteur ayant refusé de se soumettre à ces examens puisqu’il était en possession de documents originaux officiels attestant son identité, le parquet des mineurs l’a déclaré majeur ; d) l’auteur n’a pas été accompagné d’un tuteur ni d’un représentant pendant la procédure de détermination de l’âge à laquelle il a été soumis.
[…].
13.8 Le Comité note en outre que l’État partie affirme qu’un mineur non accompagné est considéré comme ayant des papiers dès lors qu’il est muni d’un passeport ou d’un document d’identité biométrique similaire qui atteste son âge. Il fait néanmoins observer qu’en l’espèce, l’auteur a présenté un passeport biométrique mais le parquet en a contesté l’authenticité sans apporter de preuves à cet égard.
13.9 À la lumière de tout ce qui précède, le Comité considère que la procédure de détermination de l’âge à laquelle a été soumis l’auteur, qui affirmait être un enfant, n’a pas été assortie des garanties nécessaires à la protection des droits que lui confère la Convention. En l’espèce, compte tenu en particulier du fait que des documents d’identité officiels délivrés par les autorités d’un pays souverain n’ont pas été pris en compte, que l’auteur a été déclaré majeur parce qu’il avait refusé de se soumettre à des examens de détermination de l’âge et qu’il n’a pas été autorisé à être accompagné de son représentant pendant la procédure, le Comité estime que l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas constitué une considération primordiale dans le cadre de cette procédure, en violation des articles 3 et 12 de la Convention.
13.10 (...) Le Comité considère que l’âge et la date de naissance d’un enfant font partie de son identité et que les États parties sont tenus de respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, sans le priver d’aucun des éléments qui la constituent. Il fait observer qu’en l’espèce, l’État partie n’a pas respecté l’identité de l’auteur en considérant que les documents officiels témoignant de la minorité de l’auteur n’avaient aucune valeur probante, sans avoir examiné leur validité ni vérifié la véracité des informations qu’ils contenaient auprès des autorités du pays d’origine de l’auteur. En conséquence, le Comité conclut que l’État partie a violé l’article 8 de la Convention.
13.11 (...) il y a une contradiction dans le fait de déclarer l’auteur majeur tout en subordonnant son accès à des traitements médicaux et à certains vaccins à l’autorisation de son représentant légal. Le Comité observe que ce défaut de protection a perduré même après que l’auteur a présenté aux autorités espagnoles des documents d’identité confirmant qu’il était un enfant. Il considère que les éléments qui précèdent font apparaître une violation des articles 20 (par. 1) et 24 de la Convention.
[…].
13.13 (...) Le Comité considère qu’en ratifiant le Protocole facultatif, les États parties l’ayant ratifié se sont engagés à mettre en œuvre les mesures provisoires demandées en application de l’article 6 du Protocole afin d’éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé alors qu’une communication est en cours d’examen, l’objectif étant d’assurer l’efficacité de la procédure de présentation de communications émanant de particuliers. En conséquence, le Comité considère que l’inexécution des mesures provisoires demandées constitue en elle-même une violation de l’article 6 du Protocole facultatif.
[…]. »
Lire la décision intégrale au format PDF ici :