Tribunal administratif de Lille – Jugement n°1801107 du 2 mai 2018 – Aucun élément ne permet d’établir que la copie d’acte de naissance a été obtenue par fraude – Le préfet ne démontre pas que les prescriptions de l’article 601 du code de procédure civile guinéen s’appliquent aux jugements supplétifs d’acte de naissance – Présentation d’un passeport biométrique dont l’authenticité n’est pas remise en cause

Résumé :

Un mineur isolé ressortissant guinéen confié à l’aide sociale à l’enfance à 15 ans par jugement du juge des enfants sur la base d’un jugement supplétif d’acte de naissance considéré comme authentique par la police aux frontières (PAF) puis a fait l’objet d’une mesure de tutelle déférée au Président du Conseil général. Le préfet refuse de lui délivrer un titre de séjour et l’assorti d’une obligation de quitter le territoire sous trente jours. Son document d’état civil ayant été perdu, M.X a sollicité un nouveau jugement supplétif d’acte de naissance accompagné de sa transcription qu’il a présenté lors de sa demande de titre de séjour.

Le tribunal administratif relève qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir que ce document a été obtenu par fraude et que la transcription d’un jugement supplétif guinéen tenant lieu d’acte de naissance n’est subordonnée à aucun délai. Enfin, il précise qu’un passeport biométrique dont l’authenticité n’est pas contestée a été délivré par les autorités consulaires. M.X a obtenu des diplômes, poursuit sa scolarité, justifie de son assiduité, de son sérieux, d’un comportement irréprochable et d’une parfaite intégration et il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il entretiendrait des contacts soutenus avec sa famille. Le préfet a méconnu les dispositions de l’article L.313-11 du CESEDA.

La décision du préfet est annulée ; il est enjoint au préfet de délivrer à M.X un titre de séjour "vie privée et familiale" sous un mois (sans astreinte).

Extrait du jugement :

« […].

3. Considérant que, pour refuser à M.X la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet du Nord s’est notamment fondé sur le caractère apocryphe de l’extrait d’acte de naissance et du jugement supplétif d’acte de naissance produits par le requérant pour justifier qu’il était entré mineur en France et a estimé que cette fraude révélait une insertion défavorable dans la société française ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant est initialement entré en France avec l’original d’un jugement supplétif d’acte de naissance considéré comme authentique par les services de la police aux frontières et sur le fondement duquel le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Lille a ordonné son placement auprès de l’aide sociale à l’enfance en tant que mineur isolé ; que ce document ayant été perdu, le requérant a sollicité des services consulaires guinéens la délivrance de son acte de naissance et a pu se procurer un nouveau jugement supplétif d’acte de naissance en date du 29 novembre 2017 accompagné de sa transcription en marge des registres d’état civil de sa commune de naissance, documents présentés à l’appui de sa demande de titre de séjour ; que, pour contester l’authenticité de ces documents, le préfet s’appuie sur un courriel envoyé par les services d’état civil de l’ambassade de France à Conakry en réponse à ses sollicitations, qui mentionne que la transcription de l’acte de naissance a été réalisée le lendemain du prononcé du jugement supplétif, en violation de la législation guinéenne, que l’acte de naissance en cause utilise des normes abandonnées depuis 1991 et que le jugement supplétif produit a été rendu sur demande du père de M.X déclaré décédé par ce dernier ; que, toutefois, la seule circonstance que le jugement supplétif d’acte de naissance émis le 29 novembre 2017 ait été délivré à une personne portant les mêmes noms et prénoms que le père de M.X ne saurait remettre en cause l’authenticité de ce document, non plus que les allégations générales et ne reposant sur aucune source identifiée du service d’état civil de l’ambassade de France en Guinée, selon lesquelles "les jugements supplétifs sont délivrés sans aucune vérification en Guinée et à chaque demande des intéressés" ; qu’à supposer que la copie de l’acte de naissance produit, délivré initialement, le 16 mai 1999, soit un dimanche, utilise des normes qui n’étaient plus en vigueur à cette date, il ressort des pièces du dossier que ce document a été délivré à M.X en France par les autorités consulaires guinéennes sur sa demande ; qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir que ce document a été obtenu par fraude  ; que si le préfet fait valoir que la transcription du jugement supplétif d’acte de naissance en date du 29 novembre 2017 effectuée le 30 novembre 2017 est contraire aux prescriptions de l’article 601 du code de procédure civile guinéen en ce qu’elle a été effectuée un jour seulement après le prononcé de ce jugement, le préfet ne démontre pas que ces prescriptions s’appliquent aux jugements supplétifs d’acte de naissance alors que le requérant produit une attestation émanant d’un juge près du tribunal de première instance de Kaloum-Conakry selon laquelle, en vertu des dispositions de l’article 899 du code civil guinéen, la transcription d’un jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance n’est subordonnée à aucun délai ; qu’en outre, il est constant qu’un passeport biométrique, dont l’authenticité n’est pas remise en cause a été délivré à M.X par les autorités consulaires guinéennes le 31 juillet 2017 qui doivent être regardées comme ayant procédé à la vérification de l’état civil du requérant ; que, dans ces conditions, la date de naissance portée sur les documents d’état-civil et d’identité du requérant, à savoir le 9 mai 1999, doit être considérée comme valide ; qu’ainsi, M.X doit être regardé comme étant entré mineur en France et confié au service de l’aide sociale à l’enfance dans sa quinzième année.

[…]. »

Jugement disponible au format pdf ci-dessous :

TA_Lille_02052018_n°1801107
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