Résumé :
Un mineur isolé ressortissant guinéen est confié à l’ASE par le procureur puis par le juge des enfants. Le département demande au juge des tutelles de prononcer un non-lieu à tutelle en faisant valoir qu’une nouvelle évaluation a conclu à sa majorité. M.X fait valoir qu’il n’a pas été reçu par le CIO en raison du refus du département de l’orienter vers cette structure en vue d’effectuer des tests préalables à sa scolarisation.
Le juge des référés, amené à se prononcer sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), relève que la seule circonstance qu’il existe un doute sur l’âge de M.X ne dispensait pas le département de respecter son obligation de l’orienter vers le CIO. La situation de non-droit dans laquelle il est placé caractérise, bien qu’il ne soit plus soumis à l’obligation de scolarité, une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction. La condition d’urgence est remplie du fait que la date de l’audience devant le juge des tutelles est suffisamment lointaine (2 mois).
Le juge administratif enjoint au département de prendre toutes mesures afin d’assurer la prise en charge éducative de M.X dans le délai de 8 jours à compter de la notification.
Voir dans le même sens : Tribunal administratif de Nantes – Ordonnance n°1910680 du 7 octobre 2019
Extraits :
« […].
En ce qui concerne l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :
4. Il résulte des principes précités que la privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’isolement sur le territoire français, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire ou professionnelle adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible, alors même que cet enfant, âgé de 17 ans, ne serait plus soumis à l’instruction obligatoire en application de l’article L. 131-1 précité du code de l’éducation, de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, pouvant justifier l’intervention du juge des référés sur le fondement de cet article. Le caractère grave et manifestement illégal d’une telle atteinte s’apprécie en tenant compte, d’une part, de l’âge de l’enfant, d’autre part, des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispose.
5. (...) Toutefois, la seule circonstance qu’il existe un doute sur l’âge de M. X ne dispensait pas le département de respecter son obligation d’orienter celui-ci vers le CIO, en exécution de l’ordonnance du juge des enfants du 23 mai 2019, sauf à le priver de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée. La circonstance qu’il conserve la faculté de suivre des cours de français ne saurait couvrir ce manquement, alors qu’il n’est pas allégué que M. X n’aurait pas acquis en Guinée une maîtrise suffisante de la langue française. Ainsi, alors que, selon son état civil, M. X n’atteindra sa majorité qu’en mai 2020, la situation de non-droit dans laquelle il est placé caractérise, bien qu’il ne soit plus soumis à l’obligation de scolarité, une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction.
En ce qui concerne l’urgence :
6. Si le département fait valoir que l’audience devant le juge des tutelles est fixée, en ce qui concerne M. X, au 15 décembre prochain, cette date est, en tout état de cause, suffisamment lointaine pour que la condition d’urgence soit regardée, en l’espèce, comme remplie.
7. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’enjoindre au département de Maine-et-Loire de prendre toutes mesures afin d’assurer la prise en charge éducative de M. X, dans le délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.
[…]. »
Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :