Études et Résultats du Défenseur des droits - « Appel à témoignages auprès des résidents d’outre-mer. Les outre-mer face aux défis de l’accès aux droits. Les enjeux de l’égalité devant les services publics et de la non-discrimination », septembre 2019

Source : Défenseur des droits

Date : septembre 2019

Résumé :

«  A l’occasion de l’opération « Place aux droits ! » aux Antilles le 26 novembre 2018, le Défenseur des droits a lancé un appel à témoignages auprès des résidentes et des résidents d’outre-mer afin de mieux connaître leurs difficultés d’accès aux services publics ainsi que les discriminations dont elles et ils pourraient être victimes dans ces territoires. En parallèle, une enquête téléphonique a été réalisée par l’institut de sondage Ipsos dans les départements de La Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique.

Les résultats de ces deux études mettent en lumière des inégalités de traitement persistantes entre les outre-mer et la métropole, ainsi que de fortes disparités entre les différents territoires ultramarins. Les habitantes et les habitants des outre-mer rapportent être confrontés dans leur vie quotidienne à d’importantes difficultés économiques et sociales, à un accès inégal aux services publics et à de nombreuses discriminations, ce qui interroge les objectifs d’égalité réelle consacrés par la loi de programmation du 28 février 2017. Les résultats présentés ci-dessous ont non seulement pour objet de mieux saisir les perceptions et les expériences des populations ultramarines mais également d’appréhender les contextes d’émergence, les formes et les conséquences des difficultés ou discriminations ressenties afin de contribuer à l’identification de pistes concrètes d’évolution.  »

Extraits :

«  Le droit à la protection de la santé et à un environnement sain : deux défis majeurs à relever dans les territoires ultramarins

L’accès aux soins et à la santé et la protection de l’environnement constituent les deux autres principales priorités des ultramarins, citées par plus de 4 habitants sur 10.

Sans surprise, l’accès à la santé est considéré comme un enjeu majeur dans les outre-mer, malgré certaines disparités qui peuvent être constatées selon les départements et les groupes sociaux concernés. D’après les résultats de l’enquête téléphonique, la population antillaise semble davantage préoccupée par l’accès aux soins et à la santé : 47,3% des guadeloupéennes et des guadeloupéens et 45% des martiniquaises et des martiniquais l’ont cité parmi l’une des trois priorités à traiter contre 35,2% des réunionnaises et des réunionnais. Les femmes sont également plus sensibles à cette question que les hommes (44,8 % des femmes contre 39,6 % des hommes). De façon générale, les habitants des outre-mer se perçoivent en moins bonne santé que ceux de métropole. Les indicateurs de santé présentent en effet des résultats inquiétants, notamment une espérance de vie plus faible qu’en métropole, une surmortalité infantile et maternelle, ainsi qu’une forte prévalence du diabète et des maladies infectieuses et parasitaires. La Réunion, par exemple, est le département le plus touché par le diabète, le taux de prévalence du diabète traité étant plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale de (10,2 % contre 4,7 %). Ces inégalités de santé entre les outre-mer et la métropole traduisent de fortes disparités territoriales et sociales dans l’accès aux soins. L’inégale répartition des dispositifs sanitaires, ainsi que les coûts de santé, favorisent le renoncement aux soins des personnes précaires ou vivant dans des communes isolées. Comme le souligne le Défenseur des droits dans son rapport Droits de l’enfant en 2017 - Au miroir de la Convention Internationale des droits de l’enfant, le sous dimensionnement des centres hospitaliers, et notamment de la protection maternelle et infantile, dans les outre-mer a conduit à une dégradation inquiétante du suivi périnatal et de la protection de la santé des enfants.

(...)

L’accès à l’éducation : des inégalités sociales et territoriales persistantes dans les outre-mer

Parmi les priorités des résidents ultramarins, l’enjeu de l’éducation arrive en 4ème position, cité par environ 38% des répondants. L’enquête téléphonique montre que les femmes y sont également plus sensibles que les hommes (41,7 % contre 33,5 %). Par ailleurs, près d’un tiers des répondants de l’appel à témoignages citent l’accès à l’éducation comme l’une des principales difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes ultramarins.

L’accès à l’éducation est prioritairement cité par les habitants de Mayotte et de Guyane, préoccupés par la situation alarmante du système éducatif dans leurs territoires (respectivement 73,2 % et 48,4 % d’entre eux contre 28,7 % pour la Guadeloupe, 37,1 % pour la Martinique et 46,3 % pour La Réunion). Dans ces deux départements, l’Education Nationale ne parvient pas à répondre au flux croissant d’enfants scolarisables et à l’engorgement des infrastructures scolaires, souvent détériorées et mal réparties, faute d’investissements publics suffisants. Les enfants et les adolescents des communes isolées sont les premiers à être touchés par la non-scolarisation du fait de l’absence d’établissements scolaires de proximité. Pour poursuivre leur scolarité dans un collège ou un lycée, ils doivent souvent quitter leurs proches et être hébergés en internat ou dans une famille d’accueil, loin de leur commune d’origine. Les témoignages recueillis mettent aussi au jour les discriminations subies par les enfants étrangers privés de scolarisation, du fait de demandes administratives abusives lors de l’inscription ou du manque de place dans les établissements scolaires. L’attention du Défenseur des droit a notamment été appelée sur des refus de scolarisation d’enfants à Mayotte, dont la majorité sont originaires des Comores. Dans la commune de Koungou, ce sont ainsi 13 enfants qui, malgré des dossiers complets, se sont vus opposer des décisions de refus en raison du trop grand nombre d’enfants domiciliés à la même adresse. De nombreuses demandes d’inscriptions ont également été refusées, en raison de l’absence de places disponibles dans les écoles de la commune. (...)

Délinquance, maltraitances et pauvreté : principaux fléaux auxquels les jeunes sont confrontés selon les habitants des départements d’outre-mer

Les personnes ayant répondu à l’appel à témoignages considèrent que les jeunes ultramarins sont avant tout confrontés aux risques de délinquance (59,1 % des répondants) et de maltraitances qu’elles soient physiques, sexuelles, verbales ou psychologiques (42,1% des répondants) [graphique 2].

Les questions de sécurité représentent un enjeu important dans les départements d’outre-mer, près de 3 habitants sur 10 abordant la thématique lors de l’enquête téléphonique. Les territoires ultramarins sont en effet plus exposés à la délinquance violente qu’en métropole, notamment en ce qui concerne la délinquance des mineurs. Les réalités sont cependant très différentes selon les territoires, le nombre de vols avec violences en 2017 s’échelonnant entre 0,4 pour 1000 habitants en Polynésie française et 7,4 pour la Guyane, tandis que la France métropolitaine affiche une moyenne de 1,5. La montée de la délinquance, notamment à Mayotte et en Guyane, résulte non seulement du manque de perspectives pour les jeunes, dû au chômage et à la pauvreté, mais également du défaut de prise en charge et d’accompagnement des enfants et adolescents livrés à eux-mêmes ou confrontés à la justice. En raison de la pénurie de structures adaptées et de centres éducatifs, les jeunes sont ainsi massivement placés en familles d’accueil au titre de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), tandis que cette pratique reste exceptionnelle en métropole.

On remarque par ailleurs un décalage entre les taux de délinquance enregistrés et le sentiment d’insécurité des résidents ultramarins. D’après notre étude, les résidents de la Réunion semblent largement plus sensibles aux questions sécuritaires que ceux des autres départements alors que le taux de prévalence des actes violents est inférieur à celui de la métropole et à ceux des autres DROM. Selon l’enquête Cadre de vie et sécurité de l’Insee, « un tiers des réunionnais ont été victimes de violence en 2009 ou 2010. C’est moins qu’en France métropolitaine, mais le sentiment d’insécurité est plus répandu dans l’île ». Cependant, les violences intrafamiliales ou à caractère sexuel y sont plus fréquentes qu’en métropole. Si l’entrée dans la vie sexuelle se fait en moyenne au même âge, vers 16-17 ans, les jeunes réunionnaises sont plus exposées aux agressions sexuelles ou aux viols lors de leur premier rapport sexuel, 4% déclarant que ce premier rapport était forcé contre 2% en métropole.

La protection de l’enfance connaît les mêmes défaillances dans la prévention et la lutte contre les maltraitances physiques et sexuelles, que ce soit dans le cadre familial ou scolaire ou au sein de familles et structures d’accueil. »

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