Tribunal administratif de Lyon – Ordonnance n°1908847 du 3 décembre 2019 – Référé-suspension – Récépissé de demande de titre de séjour déposée sur le fondement de l’art. L.313-15 du CESEDA n’autorisant pas son titutaire à travailler – Article 889 du code de procédure civile guinéen – La seule circonstance que l’acte de naissance a été émis dans le délai d’appel dont est susceptible d’être frappé le jugement n’est pas de nature à remettre en cause l’authenticité de cet acte

Résumé :

Un mineur isolé ressortissant guinéen confié à l’ASE à 16 ans s’est vu délivrer un récépissé de demande de titre de séjour déposée sur le fondement de l’art. L.313-15 du CESEDA ne l’autorisant pas à travailler. M.X justifie d’une promesse d’embauche dans le cadre d’un contrat d’apprentissage.

Le juge des référés, amené à se prononcer sur le fondement de l’art. L. 521-1 du code de justice administrative (« référé-suspension »), relève donc que la décision attaquée le prive de la possibilité d’être embauché, de poursuivre sa formation et de subvenir à ses besoins de sorte que la condition d’urgence est remplie. Le préfet fait valoir que le dossier n’est pas complet, faute de justifier de son état civil et de sa nationalité. Au regard des dispositions du code de procédure civile guinéen, la seule circonstance que l’acte de naissance a été émis dans le délai d’appel dont est susceptible d’être frappé le jugement supplétif n’est pas de nature à remettre en cause l’authenticité de son acte et M.X présente la copie de son passeport délivré par les autorités guinéennes. Par ailleurs en ne délivrant pas un récépissé autorisant à travailler, le préfet a méconnu les dispositions de l’art. R.311-6 CESEDA créant un doute sérieux sur la légalité de la décision.

La décision du préfet est suspendue ; il est enjoint de délivrer un récépissé autorisant à travailler.

Extraits :

« […].

Sur la condition d’urgence :

4. Il résulte de l’instruction que M. X justifie d’une promesse d’embauche dans le cadre d’un contrat d’apprentissage par la société (..). La décision attaquée le prive de la possibilité d’être embauché et, ainsi, de poursuivre sa formation et de subvenir à ses besoins. La condition d’urgence est, dès lors, remplie en l’espèce.

[…].

Sur le doute sérieux sur la légalité de la décision :

8. Le préfet du Rhône soutient que l’acte de naissance de M.X établi le 14 avril 2016 est manifestement dépourvu d’authenticité dès lors que la transcription du jugement du 13 avril 2016 a été faite dès le lendemain, en méconnaissance de l’article 601 du code de procédure civile guinéen, qui prévoit que "Le délai de recours par une voie ordinaire est de dix jours en matière contentieuse comme en matière gracieuse. L’inobservation de ce délai emporte déchéance et court du jour du jugement, si celui-ci est contradictoire ou du jour de la notification si le jugement est rendu par défaut". Toutefois, ce code contient également, en sa troisième partie, des dispositions particulières à certaines matières, notamment aux actes de l’état civil, dans ses articles 889 et suivants. Selon l’article 899 de ce code : "Toute décision dont la transcription ou la mention sur les registres de l’état civil est ordonnée, doit énoncer, dans son dispositif, les noms, prénoms des parties ainsi que, selon le cas, le lieu où la transcription doit être faite ou les lieux et dates des actes en marge desquels la mention doit être portée. Seul le dispositif de la décision est transmis au dépositaire des registres de l’état civil. Les transcription et mention du dispositif sont aussitôt opérées." Cet article prévoyant ainsi la transcription immédiate du dispositif des jugements supplétifs d’actes de naissance sur les registres d’état civil, la seule circonstance que l’acte de naissance a été émis dans le délai d’appel dont est susceptible d’être frappé le jugement n’est pas de nature à remettre en cause l’authenticité de cet acte. En outre, M.X produit la copie de son passeport délivré par les autorités guinéennes le 24 août 2017 et soutient, sans être contredit, que ce document a été émis au vu de l’acte de naissance contesté par le préfet du Rhône.Par suite, le moyen tiré de ce que c’est à tort que le préfet du Rhône a estimé que le dossier de M.X n’était pas complet, faute pour ce dernier de justifier de son identité et de sa nationalité est de nature en l’état de l’instruction à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision.

9. En second lieu, en application de l’article R.311-6 du ode de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le récépissé de première demande d’une carte de séjour délivrée sur le fondement des 1° et 2° de l’article L.313-10 du code du travail autorise son titulaire à travailler dès lors qu’il satisfait aux conditions posées par l’article L. 5221-2 du code du travail. En outre, en application de l’article L. 5221-1 du même code, l’autorisation de travail mentionnée au 2° de l’article L.5221-2 de ce code est accordée de droit aux mineurs isolés étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance sous réserve de la présentation d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Par suite, et en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône a méconnu les dispositions de l’article R.311-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en ne délivrant pas à M.X un récépissé de demande de titre de séjour l’autorisant à travailler est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

[…]. »

Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :

TA_Lyon_03122019_n°1908847
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