Cour de Cassation – Chambre criminelle – Arrêt n°2692 du 11 décembre 2019 – La Cour de cassation rappelle les modalités de recours aux examens osseux et la portée de leurs conclusions

Résumé :

Un mineur isolé, incarcéré par le JLD, traduit devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate, soulève l’incompétence de cette juridiction au motif qu’il est mineur, en produisant devant le tribunal un acte de naissance et une ordonnance de placement le confiant à l’aide sociale à l’enfance. Cette exception est rejetée par le tribunal correctionnel qui le condamne à un an de détention. La Cour d’appel rejette également cette exception en indiquant que la détermination de l’âge osseux du prévenu à 19 ans est un élément que la cour n’est pas en mesure de combattre et qui corrélé aux variations du prévenu sur les éléments de son identité au cours des procédures, la convainquent qu’il doit être jugé comme majeur.

Au visa des articles 593 du code de procédure pénale, 388 du code civil et 1er de l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945, la Cour de Cassation rappelle

  • que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties,
  • que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence,
  • et enfin que les mineurs auxquels est imputé un délit ne peuvent être déférés aux juridictions pénales de droit commun et ne sont justiciables que des tribunaux pour enfants.

Ainsi, casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel qui, prenant en considération un examen médical qui ne pouvait être pratiqué qu’en l’absence de documents d’identité valables, ne s’explique pas sur le moyen du demandeur soutenant sa minorité par la production d’un document d’état civil traduit en français et par une décision du juge des enfants retenant sa minorité, ne précise pas quelle autorité judiciaire a ordonné cet examen, ne constate pas que le demandeur a donné son accord, ne répond pas au moyen selon lequel il ne résulte pas de cet examen qu’il y ait consenti, n’indique pas la marge d’erreur de l’examen et ne précise pas les éléments qui justifiaient d’écarter le doute existant sur l’âge du demandeur, et donc viole les art. 593 CPP, 388 CC et 1er de l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945.

Extraits :

« […].

9. M. X... a soutenu qu’il était mineur, comme né en 2002, expliquant qu’il avait fait l’objet d’une ordonnance de placement, rendue par le juge des enfants de Nanterre, en date du 14 février 2018, qui mentionne qu’il est né le 18 février 2002. Il a prétendu que sa minorité résultait aussi de son acte de naissance, qui avait été produit devant le tribunal correctionnel.

10. Pour rejeter cette exception, l’arrêt attaqué indique que la détermination de l’âge osseux du prévenu à dix-neuf ans par le médecin qui l’a finalement examiné est un élément que la cour d’appel n’est pas en mesure de combattre et qui, corrélé aux variations du prévenu sur les éléments de son identité au cours des procédures auxquelles il a été soumis, la convainquent qu’il doit être jugé comme majeur.

11. En se déterminant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision et a méconnu les textes visés ci-dessus  :

12. En premier lieu, pour retenir la majorité de M. X..., la cour d’appel a pris en considération un examen médical qui ne pouvait être pratiqué qu’en l’absence de documents d’identité valables. Elle ne s’explique pas sur le moyen du demandeur, soutenant qu’il avait prouvé sa minorité par la production, devant le tribunal correctionnel, d’un document d’état-civil, traduit en français et par une décision du juge des enfants, rendue dans une procédure d’assistance éducative ayant retenu sa minorité.

15. En deuxième lieu, la cour d’appel a retenu les résultats d’un examen osseux, en énonçant que M. X... avait d’abord refusé cet examen, qui avait été finalement pratiqué. L’arrêt ne précise pas quelle autorité judiciaire a ordonné cet examen, ne constate pas que M. X... a donné son accord à sa réalisation et ne répond pas au moyen dans lequel il soutient qu’il ne résulte pas de cet examen qu’il y ait consenti.

16. En troisième lieu, l’arrêt n’indique pas la marge d’erreur de l’examen, et ne précise pas les éléments qui justifiaient d’écarter le doute existant sur l’âge du demandeur.

17. La cassation est donc encourue.

[…]. »

A retrouver en pdf ci-dessous :

Cass_crim_2692_11122019
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