Tribunal administratif d’Orléans – Ordonnance n°1904255 du 12 décembre 2019 – Référé-liberté – L’exécution de la décision orale mettant fin prématurément à l’aide jeune majeur est suspendue jusqu’au terme initial du contrat

Résumé :

Un mineur isolé guinéen confié à l’ASE à 17 ans, a signé à sa majorité une aide provisoire jeune majeur (APJM) d’un an. Il a été mis fin oralement à son APJM par deux inspecteurs territoriaux sans que cette rupture ne soit confirmée par une décision expresse et motivée.

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), relève que M.X poursuit un CAP mais ne bénéficie pas d’une formation en alternance lui procurant une rémunération de sorte qu’il ne dispose pas de ressources propres autres que celles qui provenaient des aides financières que lui versait le département. Par ailleurs, qu’il n’est accueilli qu’à titre précaire et provisoire par des familles de bénévoles depuis qu’il a été mis fin à son hébergement. Il est ainsi confronté à des difficultés susceptibles de compromettre gravement l’équilibre auquel sa prise en charge pendant sa minorité avait contribué et de mettre en danger sa santé, sa sécurité et sa moralité. Le Président du conseil départemental (PCD) a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, constitutive d’une situation d’urgence.

Le juge des référés suspend la décision orale et enjoint au PCD de proposer à M.X sous trois jours un accompagnement (logement, besoins sanitaires et alimentaires, assistance socio-éducative).

Extrait :

« […].

7. Il résulte de l’instruction que M. X, qui a intégré en septembre 2018 alors qu’il était encore sous la protection de l’aide sociale à l’enfance, un CAP « monteur installations sanitaires » au sein du lycée professionnel Philibert de l’Orme à Lucé, est inscrit au titre de l’année scolaire 2019/2020 en seconde année de cette formation. Il est constant que le « contrat en faveur d’un jeune majeur » qui lui avait été accordé en juillet 2019 tenait compte de cette situation scolaire et professionnelle et avait, notamment, pour objectifs, la recherche d’un employeur pour un apprentissage et l’obtention du CAP monteur en installations sanitaires. Le requérant, qui est inscrit en qualité de demi-pensionnaire au sein de l’établissement scolaire et qui ne bénéficie pas d’une formation en alternance lui procurant une rémunération, ne dispose pas de ressources propres autres que celles qui provenaient des aides financières que lui versait le département dans le cadre de son contrat. M. X, qui n’est accueilli qu’à titre précaire et provisoire par des familles de bénévoles depuis qu’il a été mis fin, par la décision contestée, à son hébergement, est ainsi confronté à des difficultés susceptibles de compromettre gravement l’équilibre auquel sa prise en charge pendant sa minorité avait contribué, et de mettre en danger sa santé, sa sécurité et sa moralité. Dans ces conditions et eu égard à son absence de soutien familial, à son absence de ressources et aux difficultés qu’il risque en conséquence de rencontrer pour trouver un logement décent, M.X est au nombre des jeunes majeurs auxquels il incombait au président du conseil départemental de proposer un accompagnement adapté à ses besoins et propre à lui permettre de terminer l’année scolaire engagée.

8. Il s’ensuit qu’en mettant fin oralement et unilatéralement aux mesures d’accompagnement qu’il avait définies et mises en place en accord avec M. à la majorité de celui-ci, afin de lui permettre de bénéficier d’un hébergement et d’une prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires pour mener l’année scolaire 2019-2020 jusqu’à son terme, le président du conseil départemental d’Eure-et-Loir a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, constitutive d’une situation d’urgence, justifiant que, d’une part, l’exécution de la décision litigieuse soit suspendue jusqu’au terme initial du contrat, soit jusqu’au 6 juillet 2020 et que, d’autre part, il soit enjoint au président du conseil départemental d’Eure-et-Loir de proposer à nouveau au requérant, jusqu’à cette même date et dans des conditions et selon des modalités équivalentes à celles du "contrat en faveur d’un jeune majeur" dont il bénéficiait, un accompagnement adapté comportant l’accès à une solution de logement, la prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires ainsi qu’une assistance socio-éducative, et ce, dans un délai de trois jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Il n’y a pas lieu, en revanche, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

[…]. »

Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :

TA_Orléans_12122019_n°1904255
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