Tribunal administratif de Nice – Ordonnance n°2000856 du 24 février 2020 – Référé-liberté – La décision de refus d’entrée en France a porté et continue de porter gravement atteinte à l’intérêt du mineur isolé – Le procureur de la République n’a pas été immédiatement avisé pour qu’il désigne un administrateur ad hoc, ni le Conseil départemental pour envisager une évaluation de la situation du requérant – Il est enjoint au préfet de prendre attache avec les autorités italiennes pour qu’il se voit délivrer un sauf-conduit

Résumé :

Un mineur isolé ressortissant soudanais contrôlé dans le train à la frontière franco-italienne a fait l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire.

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), relève que M.X a été reconduit à la frontière italienne quelques heures après son interpellation et il n’est pas établi qu’il aurait été contrôlé en Italie ni qu’il bénéficierait d’une prise en charge de sorte que la condition d’urgence est remplie. Par ailleurs, il n’est pas non plus établi que le Procureur aurait été avisé en vue d’une désignation d’un administrateur ad hoc, ni que le Président du Conseil départemental aurait été informé pour évaluer la situation de M.X et l’autorité administrative ne s’est pas préoccupée des conditions de prises en charge en Italie de l’enfant mineur. Ainsi, "en agissant de la sorte, l’administration n’a pas accompli les diligences nécessaires pour réunir les informations qu’elle devait, dans le cas d’un mineur, s’efforcer, dans la mesure du possible, de collecter avant de procéder à son éloignement forcé. Il suit de là que la décision de refus d’entrée en France en litige est entachée d’une illégalité manifeste qui a porté et continue de porter gravement atteinte à l’intérêt de M.X".

La décision de refus d’entrée sur le territoire est suspendue, il est enjoint au préfet de prendre attache avec les autorités italiennes pour que M.X se voit délivrer un sauf-conduit lui permettant de se présenter au poste frontière de Menton et de prendre toute disposition de nature à sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale en cause.

Voir dans le même sens : Tribunal administratif de Nice – Ordonnance n°2000858 du 24 février 2020

Extraits :

« […].

En ce qui concerne la condition d’urgence :

7. Il résulte de l’instruction et notamment de la décision de refus d’entrée en France versée au dossier par le requérant que M. A, ressortissant soudanais, a été contrôlé, à bord du train à la gare de Menton Garavan, le 20 février 2020, vers 19 h 05. Si cette décision mentionne que M. A est né le 1er janvier 2002, ce dernier soutient qu’il a indiqué en arabe, à plusieurs reprises aux policiers qu’il est mineur et né le 3 février 2003. L’avocat du requérant a produit, dans la requête, une photographie d’un jeune homme qu’il présente comme étant M. A dont les traits sont ceux d’un adolescent. Il n’est pas contesté que M. A a été renvoyé, le lendemain, quelques heures après son interpellation, en Italie. Il n’est pas établi qu’il aurait été contrôlé à ce jour en Italie ni que les autorités de ce pays l’auraient pris en charge administrativement. La condition d’urgence est donc remplie en l’espèce.

En ce qui concerne l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

8. La décision portant refus d’entrée en France d’un étranger mineur non accompagné d’un représentant légal et la décision de renvoi de ce dernier dans le pays de l’Union européenne dans lequel il a transité doivent être entourées des garanties particulières qu’appelle l’attention primordiale qui doit être accordée à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, en vertu de l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990. Doit également être assuré le respect effectif des droits et libertés fondamentaux de l’enfant mineur. Au nombre des exigences permettant d’en garantir l’effectivité figure, notamment, l’obligation posée par l’article L. 213-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pour l’autorité administrative, de ne pas rapatrier un étranger mineur non accompagné d’un représentant légal avant l’expiration du délai d’un jour franc.

9. Ainsi qu’il a été dit au point 7, M. A, qui déclare être mineur, a été contrôlé en France le 20 février 2020, vers 19 h 05 et s’est vu notifier une décision de refus d’entrée sur le territoire. Il a été reconduit le 21 février 2020 vers 8 h 30 à la frontière italienne. Il n’est, en l’espèce, ni établi ni même allégué par le préfet des Alpes-Maritimes que le procureur de la République aurait été immédiatement avisé pour qu’il désigne un administrateur ad hoc, ni que le président du Conseil départemental aurait été immédiatement informé afin de lui permettre d’évaluer la situation du requérant. L’autorité administrative ne s’est pas davantage préoccupée des conditions dans lesquelles l’enfant mineur serait pris en charge en Italie. En agissant de la sorte, l’administration n’a pas accompli les diligences nécessaires pour réunir les informations qu’elle devait, dans le cas d’un mineur, s’efforcer, dans la mesure du possible, de collecter avant de procéder à son éloignement forcé. Il suit de là que la décision de refus d’entrée en France en litige est entachée d’une illégalité manifeste qui a porté et continue de porter gravement atteinte à l’intérêt de M. A.

10. Il appartient au juge des référés, lorsque seule une mesure non provisoire est de nature à venir à bout d’une atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale, d’enjoindre à l’auteur de l’atteinte de prendre toute disposition de nature à sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale en cause. Il y a lieu, en l’espèce, pour le juge des référés de suspendre la décision du 20 février 2020 refusant l’entrée sur le territoire français de M. A d’une part et d’enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de prendre attache avec les autorités italiennes pour que M. A se voit remettre un sauf-conduit lui permettant de se présenter au poste frontière de Menton, de saisir immédiatement, dès que cette présentation sera effective, le procureur de la République pour qu’il désigne un administrateur ad hoc et d’informer également le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes afin de lui permettre d’évaluer la situation du requérant, d’autre part. Il n’y a pas lieu en revanche d’enjoindre à l’administration de traiter une demande d’asile, aucune demande en ce sens n’ayant été exprimée par l’intéressé.

[...]. »

Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :

TA_Nice_24022020_n°2000856
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