Cour administrative d’appel de Marseille – 9ème chambre – Arrêt n°19MA00918 du 18 février 2020 – Le préfet a fait une inexacte application de l’art. L.313-11, 11° du CESEDA en refusant la délivrance d’un titre de séjour pour raisons de santé – L’état de santé du requérant, qui souffre d’une forme sévère de schizophrénie paranoïde l’astreignant à un traitement neuroleptique d’action prolongée, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité

Résumé :

Un ancien mineur isolé ressortissant pakistanais confié à l’ASE s’est vu refuser la délivrance d’un titre de séjour "vie privée et familiale" fondé sur l’article L.313-11,11° du CESEDA (étranger malade), assorti d’une obligation de quitter le territoire français.

La Cour relève que l’état de santé du requérant, qui souffre d’une forme sévère de schizophrénie paranoïde l’astreignant à un traitement neuroleptique d’action prolongée, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité. Par ailleurs des attestations de laboratoires attestent que le traitement n’est pas commercialisé au Pakistan, que la substance active contenu dans le traitement n’est pas non plus disponible dans ce pays et le Docteur qui suit M.X depuis 2015 atteste que c’est le seul traitement que M.X tolère. Ainsi, en refusant de délivrer la carte de séjour sollicitée, le préfet a fait une inexacte application de l’art. L.313-11, 11° du CESEDA. Ainsi, la requête du préfet tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif qui lui enjoignait de délivrer un titre de séjour vie privée et familiale sous un mois est rejetée.

Extraits :

« […].

4. M. X, entré sur le sol national à l’âge de 16 ans, a fait l’objet d’un placement auprès des services de l’aide sociale à l’enfance le 10 octobre 2015 eu égard à sa situation de mineur isolé et a été hospitalisé du 2 novembre 2015 au 5 juillet 2016 au sein de l’Unité psychiatrique de l’hôpital de la Conception. Il est constant que l’état de santé du requérant qui souffre d’une forme sévère de schizophrénie paranoïde l’astreignant à un traitement neuroleptique d’action prolongée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité. Il suit un traitement psychothérapeutique et médicamenteux avec l’administration mensuelle d’un antipsychotique atypique, l’aripiprazole commercialisé en France sous la marque Abilify, par voie injectable intramusculaire à libération prolongée. D’une part, si le préfet produit un document intitulé " Medical Country Of Origin Information " datant de 2016 afin de démontrer que l’aripiprazole est un médicament disponible au Pakistan, le laboratoire Otsuka Pharmaceutical France SAS a attesté dans un courrier posté le 14 septembre 2018 que l’Abilify Maintena(r), dont il assure la production, n’est pas commercialisé au Pakistan et le laboratoire Novartis Pharma situé au Pakistan a indiqué par courriel le 3 octobre 2018 que la substance active, l’aripiprazole, contenue dans l’Abilify Maintena(r), n’est pas disponible dans ce pays. D’autre part, si d’autres médicaments traitant la schizophrénie seraient disponibles au Pakistan, il ressort de l’attestation établie par le Docteur Testart, praticien hospitalier dans le service de psychiatrie générale à l’hôpital de la Conception à Marseille qui suit depuis 2015 M. X que l’Abilify Maintena(r) est le seul traitement neuroleptique qu’il tolère avec une efficacité suffisante. Dès lors, en refusant, par la décision en litige, de délivrer à M. X la carte de séjour sollicitée en qualité d’étranger malade au motif que son état de santé ne nécessite pas son maintien sur le territoire français dès lors qu’eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire il peut y bénéficier effectivement d’un traitement approprié, le préfet des Bouches-du-Rhône a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l’arrêté du 23 mai 2018.

[...]. »

Arrêt disponible au format pdf ci-dessous :

CAA_Marseille_18022020_n°19MA00918
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